Sans trace - CHAPITRE 20

  

Chapitre 20


Dimanche 30 novembre 

J’ai passé une grosse partie de la journée la tête couchée sur les cuisses de ma mère. Nous sommes toutes les deux étendues sur son lit. Je somnole pendant qu’elle me flatte les cheveux. J’ai vraiment mal dormi cette nuit. Je me suis réveillée à toutes les heures à la suite de cauchemars concernant Daniel. Je n’en ai gardé aucun en mémoire, mais je me rappelle des sensations désagréables qu’ils laissent en moi au réveil. 

Plus d’un mois s’est écoulé depuis. À part la première journée, je n’ai manqué qu’un jour d’école. Celui où ils ont organisé une cérémonie dans le gymnase. Je n’avais pas envie d’y assister. L’épreuve de l'auditorium avait suffi. Je ne tenais pas à rendre hommage à mon frère en compagnie d’adolescents qui le connaissaient à peine, voire pas du tout. C’est avec ma famille et mes amis que je veux vivre ce moment. C’est à ça que serviront les funérailles. 

Le lendemain qu’on a appris la mort de Daniel, j’ai appelé Nadia pour lui annoncer la terrible nouvelle. Je lui ai téléphoné vers huit heures, juste avant le début des cours. 

- Oh mon dieu, Liz, s’était-elle exclamée presqu’en pleurs. Je suis tellement désolée!

J’étais encore étendue dans mon lit. Je ne m’étais même pas levée. 

- Au moins, vous savez où il est maintenant. 

- Ouain…

- J’imagine que tu ne viendras pas à l’école aujourd’hui non plus?

- Non, je n'en serais pas capable. 
- C’est sûr. Prends le temps de te reposer. Si tu veux que je vienne te voir ce soir, tu me le diras. 

- Okay, merci, ai-je soupiré. 

Ce jour-là, papa s'est occupé des appels téléphoniques. Il a annoncé la mort de son fils plusieurs fois. À la famille, à ses collègues, à notre école... J'imagine la réaction de la secrétaire face à cette nouvelle. Elle s’est probablement décomposée. Je ne sais pas comment mon père a fait pour passer tous ces appels. Je n’ai dû annoncer la mort de Daniel qu’à Nadia et ç’a été difficile. À quinze ans, on est pas supposé annoncer la mort de son petit frère. 

Depuis que j’ai appris son décès, j’ai l'impression d’avoir constamment la tête sous l’eau. Je fonctionne sur le mode automatique. Je parle à peine à mes amis et à ma famille. J’ai peur de ce que je suis en train de devenir. 

Maverick pleure tout le temps. J’essaie de le consoler tant bien que mal. Il a tendance à se cacher pour vivre ses émotions, mais je l’entends. Je l’entends pleurer. Parfois, je me glisse dans sa chambre pour lui apporter tout le soutien que je peux. Je ne parle pas, je ne fais que me coller à lui. Ça me fait bizarre car on n'est pas du genre tactile lorsqu’on est tous les deux. Cependant, je m’en fous. On a jamais vécu quelque chose d’aussi intense. Si c’était Maverick qui était mort, je ne me serais pas gênée pour me coller à Daniel et le réconforter. Et bien là, c’est pareil. Et je ne pense pas que Maverick déteste ça. Bien au contraire. 

Papa est toujours aussi absent. Il n’est pas allé travailler depuis. Maman non plus. Ils ont l’air démolis. Je crois que papa ressent le besoin de se changer les idées parce qu’il s’entête à faire toutes les tâches possibles et inimaginables dans la maison. Maman, tant qu’à elle, dort beaucoup. Je la rejoins souvent dans sa chambre, comme aujourd’hui. Ça me fait me sentir moins seule. 

La sonnette de porte me réveille de mon semi-sommeil. Une minute plus tard, papa apparaît dans l’embrasure de la porte. 

- C’est le sergent Gélinas, nous informe-t-il. 

Il n’a pas besoin d’en dire plus. Marc Gélinas nous apporte les résultats de l'autopsie. Maman et moi descendons au rez-de-chaussée, puis tous s'installent à la table de la cuisine, pendus aux lèvres du sergent. 

- Selon l’autopsie, commence-t-il les mains jointes sur la table, Daniel est mort par noyade. Il était donc vivant avant de se retrouver à l’eau. Nous n'avons détecté aucune trace de sperme qui indiquerait une agression, et aucune blessure corporelle. 

Supposer que Daniel aurait pu être violé me donne la nausée, mais je me sens tout de même vraiment soulagée d’apprendre que ce ne soit pas arrivé.

- Notre hypothèse la plus probable serait qu’il soit tombé à l’eau, poursuit-il. Le courant l’aurait emporté et il s’est noyé. 

- C’est tout? s'exclame papa. Aussi bête que ça?

- Des accidents, ça arrive. Mais la question qu’il nous reste à élucider est ; pourquoi est-il tombé à l’eau?

- En effet, constate papa. Il n’avait pas besoin de se rendre au lac sur le chemin de l’épicerie jusqu’au parc. 

À moins que Daniel n’ait emprunté un autre chemin. Contrairement au chemin de l'allée, il n’était pas avec moi. Il était seul cette fois. Je sais qu’il aime marcher sur la track de chemin de fer. Par hasard, serait-il passé par là pour aller au parc? 

- Vous ne croyez pas qu’il a pu rencontrer quelqu’un sur son chemin, qu’il l’aurait dévié de sa route d’une quelconque manière et qui l’aurait poussé à l’eau? soulève papa. 

- Ça serait étonnant. On a interrogé tous ceux qui étaient dans le secteur ce soir-là. Excepté Paul Bergeron, personne n’était suspect. 

- Qui voudrait faire ça à notre fils, Olivier? interroge maman. 

- N’importe qui! Peut-être qu’il était en chicane avec des jeunes de l’école. 

Je pense aussitôt à Charlie. Et si elle l’avait réellement poussé dans l’eau?

- Comme je vous le dis, commence Marc, on a interrogé son entourage scolaire et personne n’a à voir dans cette histoire. 

Bon. Heureusement, Charlie n’est pas aussi folle que je me l’imagine.

- Mais comment s’est-il retrouvé dans le lac? se décourage papa. 

- Selon le trajet le plus court entre l’épicerie et le parc, le coin d’eau le plus proche est la track de chemin de fer traversant la rivière qui se jette dans le lac. Il aurait pu tomber de là. Pensez-vous qu’il aurait pu s’y rendre?

Oui! Oui, il aurait pu s'y rendre. Ma théorie se tient. Je me sens nerveuse, mon cœur palpite à toute allure. 

- Pourquoi il serait allé là? s’impatiente papa. C’est bien trop dangereux. 

- Parce que c’est un chemin qu’il aime bien…

- Qu’est-ce que tu dis?

Papa me dévisage intensément. 

- La track. Daniel aime passer par là…

Je sens la colère de papa grimper en lui. 

- Parce que vous êtes déjà passés par là? 

- Ça pouvait nous arriver, dis-je de plus en plus mal à l’aise. 

- Quand ???

Je me sens si fautive. Je me retiens pour ne pas éclater en sanglots. 

- Quelques fois… je…

- Parle plus fort, Lisa. 

- Quelques fois! répété-je en criant presque. Quand on est sortis cet été, à la Saint-Jean. On avait passé par là. Et je sais que c’était un chemin que Daniel aimait prendre. 

- Vous passez par les railles! se scandalise papa. Maverick, c’est vrai ça?

Mon frère baisse la tête, honteux. 

- Wow, bravo! Vous voyez ce que ça a donné votre manque de prudence? 

- C'est que… C’est toujours plus le fun de passer par la track, tenté-je d’expliquer en luttant fort pour ne pas pleurer. 

- Ouais, c’est toujours plus le fun parce que c’est irresponsable. 

Encore ce mot. 

Irresponsable. 

J’ai été irresponsable jusqu’au bout. J’ai encouragé Daniel à se mettre en danger, je l’ai laissé seul. J’ai tout fait pour qu’il se jette vers sa propre mort. 

Papa dit que c’est notre faute. C’est notre faute. C’est MA faute. 
- Daniel est mort à cause de vos conneries!

Cette phrase me donne un coup plus fort qu’une brique lancée au visage. Elle ne fait que passer en boucle dans ma tête :

   Daniel est mort à cause de vos conneries!

         Daniel est mort à cause de vos conneries!
            
                 Daniel est mort à cause de vos conneries!

Je ne me sens pas bien, je suis étourdie. La nausée me reprend. J’ai chaud. Je tends ma main pour m’accrocher à la table, mais mes doigts glissent. Tout devient flou. Puis c’est le noir total. 

J’ouvre les yeux. Je vois le dessous de la table, et des visages sont penchés sur moi. Le policier m’observe avec attention. Ma mère s’agite à côté de moi, le visage paniqué. Qu’est-ce qu’elle a à s’affoler comme ça? Ah! Je me suis évanouie. Je suis tombée de ma chaise. 

- Elle reprend conscience, constate Marc. 

- Ma puce! s’exclame ma mère. Mon dieu! Dis-moi que tu es correct. 

- Ça va… réponds-je faiblement. 

J'aperçois enfin mon père, debout, à me regarder. 

- Bon sang Liz! Je suis désolé…

Il a l’air mal à l’aise, anéanti. J’ai l’impression que lui aussi va s’effondrer d’une seconde à l’autre. 

- Lisa, me dit le sergent, penses-tu arriver à te lever?

- Oui, soufflé-je. 

Je m'assois tranquillement et m’adosse au mur. J'aperçois enfin Maverick. Il était derrière moi, mais je ne vois pas son visage. Je garde la tête baissée, par honte. Honte de m’être écroulée de la sorte. Honte face aux sermons de mon père. Mon imprudence a coûté la vie de mon frère et un cauchemar familial qui dure depuis des semaines. Je me retiens de force pour ne pas pleurer. 

- C’est forcément une chute de pression dûe au stress, explique Marc. Il n’y a probablement pas lieu de s'inquiéter mais en cas de perte de conscience, il est toujours mieux d’aller à l'hôpital. 

- Mais non, protesté-je. Je vais bien. 

Je n’ai pas envie d’aller à l'hôpital. Nous avons déjà assez de préoccupations. Je veux seulement qu’on ne prête plus attention à moi. Je veux m'effacer. Je veux cesser d’exister. 

- C’est seulement pour être sûr ma puce, essaie de me convaincre ma mère qui est accroupie près de moi.

- Je peux l’amener à l'hôpital, suggère le policier. 

Pas vraiment le choix de me résigner, donc.

- Je vous accompagne, lance maman sans laisser place à la discussion. 

- Oui, bien sûr. Vous pouvez embarquer dans ma voiture. 

- Je suis désolé, regrette papa en s’adressant à tout le monde et à personne en même temps. Je…

Il n’arrive pas à poursuivre sa phrase, il cherche ses mots, on dirait. Comme si ce qu’il ressentait était trop douloureux pour être exprimé. 

Maman se lève pour lui faire face, puis lui caresse la joue. À ce doux contact, mon père fond en larmes. Elle le prend dans ses bras tandis qu’il se liquéfie et qu’elle pleure en silence. Cette image me fend le cœur. J’aimerais reperdre conscience, ça fait trop mal. Je reste assise au pied du mur, complètement anéantie. Si nous n’avions pas pris l’habitude de passer par la track, Daniel serait encore vivant, mes parents ne seraient pas détruits, et Maverick ne serait pas prisonnier de sa détresse et de sa culpabilité. 

Qu’est-ce qu’il m’a pris de laisser Daniel seul ce soir-là? 

* * *


Comme Marc l’avait supposé, mon évanouissement n’avait rien d’inquiétant. Pour comprendre ce qui s’est passé, le médecin qui s’est occupé de moi, m’a posé des questions sur les événements qui ont précédé mon malaise. J’ai dû lui raconter toute l’histoire. Comprenant que c’était dû à ce que j’ai vécu ces dernières semaines, il m’a référée à un psychologue. Il a compris que j’étais écrasée par le poids de la culpabilité concernant la mort de mon frère, et que j’aurais besoin d’une psychothérapie pour m’en défaire. 

En descendant du taxi, ma mère me rejoint et me caresse les cheveux. Son sourire réconfortant, bien que triste, arrive à m’apaiser légèrement. Elle me sert contre elle tandis que nous nous dirigeons vers la maison. En entrant dans le salon, nous trouvons mon père assis sur le divan, une bouteille de bière à la main, ainsi que Maverick, les yeux perdus dans le vide et bouffis par les larmes. J’arrive tout de même à apercevoir en lui une certaine forme de soulagement. C’est la première fois depuis des mois que je ne le sens pas tendu. J’ai l’impression que de savoir enfin ce qui est arrivé à Daniel lui a enlevé un énorme poids sur les épaules. 

Vers vingt-et-une heures, je commence à avoir vraiment faim. Personne n’a soupé ce soir. On ne s’est presque pas parlé du reste de la journée. Papa a quitté la maison un moment, mais je ne sais même pas où il est allé. 

J’ouvre le réfrigérateur. Il illumine une partie de la cuisine qui est plongée dans la noirceur. Il est trop tard pour cuisiner comme il se doit. Je me contente de prendre une tranche de pain que je badigeonne de mayonnaise, j’y dépose une tranche de jambon, et je replie le tout. 

Lorsque je me dirige dans le salon pour manger mon mini-souper, je manque de faire une crise cardiaque en remarquant Maverick assis sur le divan, dans la pénombre. 

- Sibole! m’exclamé-je en allumant la lumière. Qu’est-ce que tu fais? Je ne savais pas que tu étais là!

- Désolé de t’avoir fait peur, s’excuse-t-il en reposant son appareil photo sur ses cuisses. Je… je regardais des photos de Daniel. 

Je sens la mélancolie s’incruster en moi. Je m’assois auprès de mon frère, mon étrange tartine toujours à la main. 

- Je peux regarder avec toi?

Sans dire un mot, Maverick place l’écran entre nous deux. Il fait défiler les photos. On voit maman et Daniel assis côte à côte sur le divan, en train de regarder la télé. Sur la photo suivante, maman chante je ne sais quelle chanson. Sur celle d'après, c’est papa et Dan en train de rire. Il y en a une où Daniel est assis en tailleur sur son lit. Maverick a capté plusieurs moments de notre quotidien familial. Notre vie de famille se poursuivra ainsi… mais sans Daniel. 

- Et dire que maintenant, il sera définitivement plus là. 

Maverick ne répond pas à mon commentaire. Il se contente de défiler ses photos, encore. 

Une fois ma collation mangée, je monte à l’étage, laissant Maverick seul dans le salon avec ses souvenirs. Quand je passe devant la chambre de Daniel, je reste figée. Rien a changé dans cette pièce depuis qu’il n’est plus là. Son lit n’est pas défait, ses affiches ornent toujours les murs, ses figurines, ses jeux… Tout rappelle sa présence qui n’existera plus jamais. Je voudrais tellement qu’il sorte de derrière la porte, mais cette situation qui, autrefois allait de soi, n’arrivera pas. 

Mon petit frère est mort. 

Sans que je ne le sente venir, je fonds en larmes et m’écroule par terre. Je sanglote bruyamment au milieu du corridor. Daniel, mon frère. Pourquoi a-t-il fallu qu’il se noie? Je veux qu’il revienne. 

Je ne la vois pas arriver que ma mère s’assoie à mes côtés, me prend dans ses bras et me berce pendant que je me vide de toute cette douleur pesante que je traîne depuis des semaines.

- C’est correct, ma belle. Je suis là.

Pendant que je pleure dans ses bras, mon père vient nous rejoindre. Par dessus l’épaule de maman, je le vois s'asseoir en face de nous. Aucun de nous ne parle. Seuls mes pleurs brisent le silence, mais elles finissent par  s’estomper tranquillement. 

Lorsque je me calme enfin, je fixe le sol, prise de honte d’être aussi vulnérable devant mes parents. 

- Je suis tellement désolée, soufflé-je douloureusement. C’est ma faute…

- Dis pas ça, Liz.

Je lève les yeux sur mon père, surprise par son intervention.

- C’est moi qui suis désolé, poursuit-il. Désolé de t’avoir donné l’impression que tu avais quelque chose à te reprocher. 

- C’est pas toi, dis-je entre deux reniflements. J’ai toujours senti que c’était de ma faute. 

- Et je ne t’ai pas du tout aidé à t’enlever ce sentiment de culpabilité. J’étais trop pris dans ma peine et ma colère. C’est de la faute à personne. C’était un accident. 

Maman approuve d’un hochement de tête. Elle me caresse les cheveux. 

Maverick arrive en haut de l’escalier. Il a les yeux rouges. Je le soupçonne d’avoir pleuré en silence, lui. Il n’est pas comme moi. Il est discret. 

- Ça va, Liz?

Il a dû m’entendre pleurer d’en bas. Pas étonnant, je paris que les voisins auraient pu m’entendre. Je fais signe de oui de la tête, même si je ne dois pas être très convaincante. Mes yeux sont probablement rouges comme ils ne l’ont jamais été. 

Maverick vient nous rejoindre, il se laisse tomber au pied du mur, juste à côté de notre père. 

- Ce qui est fait est fait, dit papa. Au moins, on sait maintenant. On sait ce qui est arrivé à Daniel, et on sait qu’il ne souffre pas. 

Mais il a souffert. Mort noyé, je n’imagine pas comment ce doit être atroce. 

- On va traverser ça ensemble, ajoute maman.

Je tourne la tête vers elle. Elle fait tout pour être rassurante avec sa famille, malgré que son coeur soit écrasé par la tristesse et la douleur. Elle a perdu son fils. La mort de Daniel me détruit, mais je ne peux imaginer ce que ce doit être pour elle et pour papa. J’aimerais pouvoir les aider, mais je suis impuissante. Moi-même je suis en état d’être ramassée à la petite cuillère. Le mieux que je puisse faire est de montrer à ma maman que je serai toujours là. Je vois sa main jouer nerveusement avec la couture de son pyjama. Je la prends en signe de soutien. Maman me répond par un doux baiser sur la tête. Parfois, les gestes sont plus significatifs que les mots. 
- Moi aussi je me sens coupable, confie Maverick. J’arrête pas de me sentir coupable depuis ce soir-là. C’est moi qui ai amené Daniel…

Je regarde mon frère, touchée par sa vulnérabilité. Son sentiment de culpabilité, il me l’avait déjà confié. Mais à ce que je vois, c’est la première fois qu’il en parle devant les parents. 

- Mon grand, tu n’as pas du tout à te sentir coupable, le rassure papa en lui flattant le dos. Tu ne pouvais pas savoir ce qui allait arriver. C’était une bonne idée d’aller en ville ensemble. Je m’en rappelle, Liz, tu venais de texter maman pour nous informer que tu allais manger une crème glacée avec Nadia. 

Je hoche la tête machinalement. Les faits sont véridiques. Je sens les muscles de mon visage se crisper. J’ai l’impression absurde qu’on s’apprête à faire mon procès. Mais mon père a le ton et le regard doux. Tristes, mais doux. Et il se retourne vers Maverick. 

- Quand Daniel a entendu ça, il était jaloux, poursuit-il en riant doucement. À ce moment-là, tu n’as pas hésité à l'emmener en ville pour lui en payer une. C’est de ça qu’il faut se souvenir de cette soirée. Vous avez toujours eu un magnifique lien fraternel tous les trois. N’importe quel ado de dix-sept ans ne serait pas sorti en ville avec son jeune frère de douze ans. Maverick, Lisa, malgré vos écarts d'âge, depuis tout-petits, vous avez une belle complicité. Vous vous entendez bien. Daniel a passé sa dernière soirée avec son frère et sa sœur. Et je sais qu’il était bien avec vous. 

Les mots de mon père arrivent à me tirer un sourire. Il n’a pas tort. Daniel était heureux ce soir-là. Il riait, s’amusait. Il était content de sa crème glacée au caramel. C’est vrai, c’est de ça dont il faut se rappeler. 

- Vous savez, commence maman, ce qui est arrivé, c’était un accident. Je sais que ce n'est pas évident, mais on doit arrêter de s’en vouloir. Moi-même, je me dis sans cesse que si je ne vous avais pas demandé d’aller acheter quelques trucs à l’épicerie, ça ne serait pas arrivé. 

Je la regarde, sidérée. Elle se sent coupable aussi? Je me sens mal. Je lui en ai voulu de nous avoir demandé de faire ces commissions. J’étais tellement en colère que j’ai accusé tout le monde. Pourtant, ma mère ne mérite pas ça. Je ne veux pas qu’elle s’en veuille. Elle n’a rien fait de mal. 

- Je travaille beaucoup sur moi pour ne pas que la culpabilité me bouffe, confit-elle. Daniel est mon garçon. Je ferais n’importe quoi pour le ramener auprès de nous. On aimerait tous reculer dans le temps et empêcher que Daniel tombe de ce pont, mais c’est arrivé. C’est de la faute à personne, surtout pas à vous deux, précise-t-elle en nous regardant chacun notre tour, Maverick et moi. 

Mon frère hoche la tête. Je l’imite, en signe d'approbation. Maman nous demande clairement de ne pas nous rendre malade avec cette histoire. 

Et je tiens à l’écouter. 

Commentaires

  1. Merci, chère Corinne, c' est un bon roman, j' ai aime le lire. Il n' est pas parfait , mais il est bon, car tu as su nous captiver et retenir notre attention. H. G. T'.

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  2. J’ai beaucoup aimé ton roman. Il y a quelques erreurs qu’un éditeur t’aiderait à corriger. Je publierais ce roman. Continue à nous faire rêver.

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