Sans trace - CHAPITRE 14
Chapitre 14
Samedi 11 octobre
- Tu penses vraiment que c’était nécessaire de leur apporter du vin? demande maman lorsque nous sortons tous de la voiture. C’est ma sœur, elle ne s'attend pas à ce que je lui fasse des cadeaux.
- C’est par politesse, défend papa en refermant la portière, la bouteille à la main. Ça ne coûte rien et ça fait plaisir.
Elle acquiesce d’un hochement de tête. Nous avançons tous les quatre vers la maison de ma tante. Cette dernière nous répond après que ma mère ait sonné à la porte.
- Salut! Je suis contente de vous voir. Entrez!
L’entrée étant petite, nous enlevons nos souliers et nos manteaux en essayant de ne pas nous marcher sur les pieds. Nous montons ensuite quelques marches pour rejoindre tout le monde à la cuisine. Mon oncle Philippe s'y affaire avec l’aide de Stéphanie. J’ai hâte de savoir ce qu’on va manger. Mon père offre la bouteille à sa belle-sœur.
- Franchement. Vous n’aviez pas besoin d’apporter quelque chose.
Maman jette un œil à mon père voulant dire « qu’est-ce que je t’avais dit? ». Je sens que mon père se retient de rire. J’aime les voir se lancer des petits regards complices et subtiles. À ce que je vois, mes parents n’ont pas perdu leur alchimie malgré la disparition de Daniel.
- Je vous sers quelque chose à boire? nous demande ma tante en allant derrière le comptoir. Un petit rosé, ça vous dit?
- Oh oui! Avec plaisir, fait maman.
- Maverick, Liz, vous en voulez aussi?
Ça ne fait pas très longtemps dans ma vie qu’on commence à me proposer de l'alcool. J’ai tendance à refuser.
Mon frère accepte volontiers. Bon. Pourquoi pas, alors.
- Oui, s’il-te-plait. Je veux bien essayer.
Elle verse des verres pour chacun.
- J’en veux moi aussi, quémande ma cousine.
- Pfff. T’en veux juste parce que c’est rose, l’agace Killian.
- Pis toi, t'en prends juste parce que ça te fait sentir adulte, réplique-t-elle. Dans le fond, je paris que t’aime même pas ça.
- Toi non plus…
- Alors je t’en verse une petit fond, ma belle? lui demande Josée, coupant court à cette sympathique dispute fraternelle.
- Oui, merci.
- Tu n’es pas un peu jeune pour boire? lui demande mon père, amusé.
- J’en bois juste un peu, dit-elle en prenant le verre que sa mère vient de lui verser.
- Quelques gorgées lors des occasions spéciales, il n’y a rien de mal, ajoute Philippe.
Une fois que nous avons tous un verre, nous trinquons en silence, ne sachant pas sur quoi trinquer.
Ma mère se force à faire la conversation pour couper le silence.
- Comment ça marche ton nouveau contrat, ma Jojo?
- Je suis contente que tu me le demandes, s'enthousiasme-t-elle. Ça va super bien. J’adore ça…
- Est-ce qu’on descend en bas? nous chuchote Killian.
On acquiesce tous avant de laisser les adultes seuls dans la cuisine.
- Je suis contente que vous soyez venus ce soir, nous dit Stéphanie en s’assoyant sur leur moelleux tapis. J’avoue que je n’étais pas certaine si vous alliez accepter l'invitation de maman.
- D’autant plus que papa a failli ne pas venir, dis-je en m’installant sur le divan.
- Comment ça? s’indigne presque Killian.
- J'imagine qu’il n’a pas le cœur à faire des petites soirées sympathiques en famille, suppose ma cousine.
- Oui et non, dis-je. En fait, c’est vrai qu’il n’a pas le coeur à grand chose ces temps-ci. Il ne nous parle pas vraiment, mais il nous a dit qu’il avait pris du retard dans son travail. Je crois bien que l'angoisse prend toute la place dans son esprit.
- Et pour vous deux? demande Killian. Comment vous tenez le coup?
- Ça va comme on peut, dit Maverick sans censure.
- Ouin… Ça ne doit pas être évident. Moi-même j’y pense tout le temps.
Le silence prend place dans le sous-sol. Ou bien c’est l'absence de Daniel qui prend la place. J’observe ma cousine. Je la soupçonne d’être déçue. Déçue car son cousin préféré n’est pas là. Mais nous, on est là. Tous les quatre. Et même s’il manque Daniel, je ne suis pas moins contente d’être chez mes cousins.
- Sérieux, vous ne comprenez pas à quel point je suis soulagée d’être ici, confié-je en rompant le silence. Vous voir et changer d’environnement, ça fait du bien.
- Tu n’es plus bien chez toi? me demande mon cousin.
Je regarde Maverick, comme pour chercher son approbation à m’ouvrir. J’aime ma famille, mais j’étouffe à la maison. J’espère que si je dis ce que je ressens, il ne le prendra pas mal. Mais il répond à ma place.
- Tout rappelle le drame à la maison, dit-il en me regardant. On reste tous les quatre, enfermés avec nos angoisses. Ça rend l'atmosphère pas possible.
- C’est ça, confirmé-je.
Mon frère et moi partageons un petit sourire. Enfin, on se comprend tous les deux.
- On peut parler d'autre chose aussi, si c’est trop dûr, nous propose Killian.
- Non non, ça ne nous dérange pas, le rassure Maverick. Au contraire. On a parlé Liz et moi tantôt, et ça m’a fait réaliser que c’est de s'enfermer dans le silence qui nous tue.
- Exact, approuvé-je. On veut pouvoir en parler sans que ce soit tabou. Daniel a disparu, on se sent tous coupables. Voilà.
Bon, dire cette phrase à haute voix me chamboule un peu. Briser les tabous ne vient pas sans douleur.
- Pourquoi vous vous sentez coupables? demande Stéphanie. Vous n’avez rien fait de mal.
Mon frère accepte volontiers. Bon. Pourquoi pas, alors.
- Oui, s’il-te-plait. Je veux bien essayer.
Elle verse des verres pour chacun.
- J’en veux moi aussi, quémande ma cousine.
- Pfff. T’en veux juste parce que c’est rose, l’agace Killian.
- Pis toi, t'en prends juste parce que ça te fait sentir adulte, réplique-t-elle. Dans le fond, je paris que t’aime même pas ça.
- Toi non plus…
- Alors je t’en verse une petit fond, ma belle? lui demande Josée, coupant court à cette sympathique dispute fraternelle.
- Oui, merci.
- Tu n’es pas un peu jeune pour boire? lui demande mon père, amusé.
- J’en bois juste un peu, dit-elle en prenant le verre que sa mère vient de lui verser.
- Quelques gorgées lors des occasions spéciales, il n’y a rien de mal, ajoute Philippe.
Une fois que nous avons tous un verre, nous trinquons en silence, ne sachant pas sur quoi trinquer.
Ma mère se force à faire la conversation pour couper le silence.
- Comment ça marche ton nouveau contrat, ma Jojo?
- Je suis contente que tu me le demandes, s'enthousiasme-t-elle. Ça va super bien. J’adore ça…
- Est-ce qu’on descend en bas? nous chuchote Killian.
On acquiesce tous avant de laisser les adultes seuls dans la cuisine.
- Je suis contente que vous soyez venus ce soir, nous dit Stéphanie en s’assoyant sur leur moelleux tapis. J’avoue que je n’étais pas certaine si vous alliez accepter l'invitation de maman.
- D’autant plus que papa a failli ne pas venir, dis-je en m’installant sur le divan.
- Comment ça? s’indigne presque Killian.
- J'imagine qu’il n’a pas le cœur à faire des petites soirées sympathiques en famille, suppose ma cousine.
- Oui et non, dis-je. En fait, c’est vrai qu’il n’a pas le coeur à grand chose ces temps-ci. Il ne nous parle pas vraiment, mais il nous a dit qu’il avait pris du retard dans son travail. Je crois bien que l'angoisse prend toute la place dans son esprit.
- Et pour vous deux? demande Killian. Comment vous tenez le coup?
- Ça va comme on peut, dit Maverick sans censure.
- Ouin… Ça ne doit pas être évident. Moi-même j’y pense tout le temps.
Le silence prend place dans le sous-sol. Ou bien c’est l'absence de Daniel qui prend la place. J’observe ma cousine. Je la soupçonne d’être déçue. Déçue car son cousin préféré n’est pas là. Mais nous, on est là. Tous les quatre. Et même s’il manque Daniel, je ne suis pas moins contente d’être chez mes cousins.
- Sérieux, vous ne comprenez pas à quel point je suis soulagée d’être ici, confié-je en rompant le silence. Vous voir et changer d’environnement, ça fait du bien.
- Tu n’es plus bien chez toi? me demande mon cousin.
Je regarde Maverick, comme pour chercher son approbation à m’ouvrir. J’aime ma famille, mais j’étouffe à la maison. J’espère que si je dis ce que je ressens, il ne le prendra pas mal. Mais il répond à ma place.
- Tout rappelle le drame à la maison, dit-il en me regardant. On reste tous les quatre, enfermés avec nos angoisses. Ça rend l'atmosphère pas possible.
- C’est ça, confirmé-je.
Mon frère et moi partageons un petit sourire. Enfin, on se comprend tous les deux.
- On peut parler d'autre chose aussi, si c’est trop dûr, nous propose Killian.
- Non non, ça ne nous dérange pas, le rassure Maverick. Au contraire. On a parlé Liz et moi tantôt, et ça m’a fait réaliser que c’est de s'enfermer dans le silence qui nous tue.
- Exact, approuvé-je. On veut pouvoir en parler sans que ce soit tabou. Daniel a disparu, on se sent tous coupables. Voilà.
Bon, dire cette phrase à haute voix me chamboule un peu. Briser les tabous ne vient pas sans douleur.
- Pourquoi vous vous sentez coupables? demande Stéphanie. Vous n’avez rien fait de mal.
- J’arrête pas de me dire que si j’avais agi différemment ce soir-là, il serait encore là.
- Ben là! lâche Killian. C’est sûr, mais tu ne pouvais pas savoir. Tu n’as quand même pas provoqué sa disparition.
- Qu’est-ce que tu veux que j'te dise? C’est ce que je ressens. Je ne fais pas exprès.
- Et bien moi je te dis, tu n'as pas à te sentir coupable.
- J’ai de la misère à te croire, mais je te remercie quand même beaucoup.
- Il n’y a pas de quoi, me sourit-il avec complicité. C’était profondément sincère.
Les minutes s'écoulent et on finit par parler de tout et de rien. Dans la foulée, Stéphanie nous suggère de faire une partie de Mario Kart. On accepte tous avec enthousiasme.
Les tournois de Mario Kart sont une tradition quand on se retrouve dans ce sous-sol. Bien que ce jeu me procure toujours une grande joie, je réalise que ce n’est pas pareil sans Daniel. Je ne pense pas être la seule à ressentir ce manque. Tout le monde joue avec moins de ferveur que d’habitude. Killian qui, normalement, déborde de compétitivité, joue avec plus de retenue. Stéphanie tourne autour de la huitième et neuvième place alors que si elle était fidèle à elle-même, elle talonnerait Daniel à la première place. Mais Daniel n’est pas avec nous pour jouer. La première place est occupée par des joueurs numériques. L’avatar que prend Dan est bébé Mario. Je viens de dépasser ce personnage et je suis à la dixième place. Si mon frère voyait ça, il aurait honte. Il dirait : « Comment bébé Mario peut-il être aussi mauvais? ».
Mon kart vient encore de s’enfarger dans une banane.
- Sibole Maverick ! Arrête de me lancer toutes tes bananes.
- T’as qu’à les éviter mieux que ça, me réplique-t-il, le sourire en coin.
Je lui fais une grimace, mais il ne me voit pas, trop concentré par la course.
C’est idiot, mais une partie de moi se sent coupable de jouer à Mario Kart. Le mode multijoueurs peut en contenir un maximum de quatre. Puise que nous sommes cinq cousins et cousines, le cinquième attend qu’un d’entre nous perde pour ensuite le remplacer. Ce soir, nous sommes le nombre exact de joueurs. Ça me fait bizarre. J’ai l’impression de voler la place à Daniel. D’autant plus qu’il aime ce jeu bien plus que moi. Il en est complètement maniaque. On dirait qu’on le laisse dans un coin et qu’on l’empêche de jouer.
Daniel a longtemps harcelé nos parents pour qu’ils nous achètent une Wii. Ils disaient toujours non. Je crois que mes parents ont une mauvaise perception des jeux vidéos. Ils ont peur que s’ils en achètent une, Daniel devienne accro et qu’on n’arrive plus à le décoller de sa console. Ils n’ont peut-être pas tout à fait tort en fin de compte. Si je me fie à comment Daniel se jette sur la Wii quand on va chez tante Josée, il est probable qu’il devienne addik.
- Wow, septième place ! s'exclame Stéphanie une fois la course terminée. Essayez de battre ça.
- Ouain, c’est pas notre meilleure, fait Maverick.
- On va rattraper ça avec la deuxième course, nous encourage Killian.
On continue de jouer jusqu’à ce que Josée nous appelle pour le souper.
- Vous avez fait une belle partie? nous demande Philippe lorsqu’on s’assoie tous à table.
- On en a fait deux, corrige Killian.
- Ben là! lâche Killian. C’est sûr, mais tu ne pouvais pas savoir. Tu n’as quand même pas provoqué sa disparition.
- Qu’est-ce que tu veux que j'te dise? C’est ce que je ressens. Je ne fais pas exprès.
- Et bien moi je te dis, tu n'as pas à te sentir coupable.
- J’ai de la misère à te croire, mais je te remercie quand même beaucoup.
- Il n’y a pas de quoi, me sourit-il avec complicité. C’était profondément sincère.
Les minutes s'écoulent et on finit par parler de tout et de rien. Dans la foulée, Stéphanie nous suggère de faire une partie de Mario Kart. On accepte tous avec enthousiasme.
Les tournois de Mario Kart sont une tradition quand on se retrouve dans ce sous-sol. Bien que ce jeu me procure toujours une grande joie, je réalise que ce n’est pas pareil sans Daniel. Je ne pense pas être la seule à ressentir ce manque. Tout le monde joue avec moins de ferveur que d’habitude. Killian qui, normalement, déborde de compétitivité, joue avec plus de retenue. Stéphanie tourne autour de la huitième et neuvième place alors que si elle était fidèle à elle-même, elle talonnerait Daniel à la première place. Mais Daniel n’est pas avec nous pour jouer. La première place est occupée par des joueurs numériques. L’avatar que prend Dan est bébé Mario. Je viens de dépasser ce personnage et je suis à la dixième place. Si mon frère voyait ça, il aurait honte. Il dirait : « Comment bébé Mario peut-il être aussi mauvais? ».
Mon kart vient encore de s’enfarger dans une banane.
- Sibole Maverick ! Arrête de me lancer toutes tes bananes.
- T’as qu’à les éviter mieux que ça, me réplique-t-il, le sourire en coin.
Je lui fais une grimace, mais il ne me voit pas, trop concentré par la course.
C’est idiot, mais une partie de moi se sent coupable de jouer à Mario Kart. Le mode multijoueurs peut en contenir un maximum de quatre. Puise que nous sommes cinq cousins et cousines, le cinquième attend qu’un d’entre nous perde pour ensuite le remplacer. Ce soir, nous sommes le nombre exact de joueurs. Ça me fait bizarre. J’ai l’impression de voler la place à Daniel. D’autant plus qu’il aime ce jeu bien plus que moi. Il en est complètement maniaque. On dirait qu’on le laisse dans un coin et qu’on l’empêche de jouer.
Daniel a longtemps harcelé nos parents pour qu’ils nous achètent une Wii. Ils disaient toujours non. Je crois que mes parents ont une mauvaise perception des jeux vidéos. Ils ont peur que s’ils en achètent une, Daniel devienne accro et qu’on n’arrive plus à le décoller de sa console. Ils n’ont peut-être pas tout à fait tort en fin de compte. Si je me fie à comment Daniel se jette sur la Wii quand on va chez tante Josée, il est probable qu’il devienne addik.
- Wow, septième place ! s'exclame Stéphanie une fois la course terminée. Essayez de battre ça.
- Ouain, c’est pas notre meilleure, fait Maverick.
- On va rattraper ça avec la deuxième course, nous encourage Killian.
On continue de jouer jusqu’à ce que Josée nous appelle pour le souper.
- Vous avez fait une belle partie? nous demande Philippe lorsqu’on s’assoie tous à table.
- On en a fait deux, corrige Killian.
- Et il y a juste Steph qui a réussi à monter sur le podium, dis-je. Les deux fois en plus.
- Bravo ma grande, dit Philippe à la concernée.
Elle sourit timidement avant de mettre un morceau de pain dans sa bouche.
Les discussions autour de la table sont assez légères. Josée explique sa recette, Philippe et papa discutent de leur travail, Stéphanie critique le dernier film qu’elle a vu, Killian parle dans le dos de son professeur de philo… Tout semble normal, mais ce n’est qu’une mascarade. L’ombre de Daniel plane au-dessus de nous. Je vois mon petit frère nous regarder de loin et nous crier : « Eille! Je suis là! ». Sa chaise vide laisse un immense trou. Ne pas entendre sa voix autour de la table, c’est comme si une part de mon univers était en train de s’arracher.
Après le souper, Killian a à peine posé son assiette dans l'évier qu’il s’écrit:
- Vous voulez qu’on aille jouer au soccer, dehors?
- Yess! s'enthousiasme Maverick.
Je décline l’invitation. Je déteste les sports de ballon. J’ai toujours peur de le recevoir dans le visage. Je préfère de loin rester à l’intérieur et parler avec les adultes.
Je me ramasse alors à faire la vaisselle avec mon oncle Philippe. Josée et mes parents sont au salon en train de discuter. Je crois que Stéphanie s’est réfugiée dans sa chambre. Par la fenêtre, je perçois Maverick et Killian jouer au soccer. Contrairement à notre cousin, mon frère n’a jamais fait partie d’une équipe de soccer. Je vois bien qu’il défend son but comme il peut, mais il n’est pas de taille contre Killian. J’ai arrêté de compter le nombre de buts qu’il a réussi à faire depuis le début de leur partie. Mais ça n’a pas l’air de déranger Maverick. J’ai l’impression que ça fait une éternité que je ne l’ai pas vu s'amuser ainsi. C’est beau à voir.
- Bravo ma grande, dit Philippe à la concernée.
Elle sourit timidement avant de mettre un morceau de pain dans sa bouche.
Les discussions autour de la table sont assez légères. Josée explique sa recette, Philippe et papa discutent de leur travail, Stéphanie critique le dernier film qu’elle a vu, Killian parle dans le dos de son professeur de philo… Tout semble normal, mais ce n’est qu’une mascarade. L’ombre de Daniel plane au-dessus de nous. Je vois mon petit frère nous regarder de loin et nous crier : « Eille! Je suis là! ». Sa chaise vide laisse un immense trou. Ne pas entendre sa voix autour de la table, c’est comme si une part de mon univers était en train de s’arracher.
Après le souper, Killian a à peine posé son assiette dans l'évier qu’il s’écrit:
- Vous voulez qu’on aille jouer au soccer, dehors?
- Yess! s'enthousiasme Maverick.
Je décline l’invitation. Je déteste les sports de ballon. J’ai toujours peur de le recevoir dans le visage. Je préfère de loin rester à l’intérieur et parler avec les adultes.
Je me ramasse alors à faire la vaisselle avec mon oncle Philippe. Josée et mes parents sont au salon en train de discuter. Je crois que Stéphanie s’est réfugiée dans sa chambre. Par la fenêtre, je perçois Maverick et Killian jouer au soccer. Contrairement à notre cousin, mon frère n’a jamais fait partie d’une équipe de soccer. Je vois bien qu’il défend son but comme il peut, mais il n’est pas de taille contre Killian. J’ai arrêté de compter le nombre de buts qu’il a réussi à faire depuis le début de leur partie. Mais ça n’a pas l’air de déranger Maverick. J’ai l’impression que ça fait une éternité que je ne l’ai pas vu s'amuser ainsi. C’est beau à voir.
- Comment ça va à l’école, Liz? me demande Philippe en frottant un chaudron.
- Oh, ça va quand même bien. Mais, j’ai un examen de math lundi pis j’ai peur de ne pas être assez prête.
- J'imagine que tu ne dois pas avoir la tête à étudier ces temps-ci.
- Ouin… En même temps, quand j’arrive à me plonger la tête première dans mes études, ça me permet de penser à autre chose.
- Alors, tu arrives quand même à te concentrer?
- Ça dépend. Mais là, c’est des math et à la base, j’ai de la misère avec cette matière.
- Est-ce que tu penses que tes professeurs peuvent t’aider un peu? soulève-t-il.
- Ma prof de math m’a justement proposé de décaler mon examen si j’en avais besoin, mais j’ai l’impression que ça ne servirait à rien. Je ne serai pas plus prête dans une semaine.
- Ça peut quand même te donner un peu de temps pour apprendre la matière, non?
- Mouais…
Un rire strident coupe notre conversation. C’est ma mère au salon. J’ai l’impression qu’elle a un peu abusé du vin blanc. Une assiette et ma serviette à la main, je vais voir ce qui se passe. Elle est assise sur le divan avec sa sœur. Elles se font un fun noir avec leurs coupes de vin à la main, la bouteille juste à côté, sur la table basse.
- J’ai toujours raison alors on s’en fout! s’exclame ma mère en riant comme une folle.
Elles se remettent à rire aux éclats. J’ignore de quoi elles sont en train de parler. Ma tante semble un peu réchauffée, mais ma mère est vraiment saoule. On dirait bien que Josée a réussi à la faire décrocher de ses problèmes. Mon père est assis un peu en retrait sur le fauteuil une place. Le regard neutre, il a les yeux rivés sur maman. Quand il m'aperçoit, il me fait un petit signe de tête, voulant me spécifier que tout va bien.
- Ah Liz! fait mollement ma mère lorsqu’elle me voit. Tu es tellement belle, ma chérie. Tu es ma fierté.
- Merci… dis-je un peu mal à l’aise.
Je ne sais pas trop si je dois être contente que ma mère se lâche lousse ou bien avoir honte de son comportement. Je préfère lui lancer un dernier sourire puis retourner à la vaisselle. Ma mère est saoule, mais elle n’est pas en danger. En compagnie de sa sœur et de son conjoint, elle peut se laisser aller autant qu’elle en a besoin.
Une fois la vaisselle toute essuyée, je vais dans le corridor voir si Stéphanie est bien dans sa chambre. La porte est fermée.
- Steph? dis-je en cognant.
- Entre.
Je fais comme elle dit. Je la trouve sur son lit, en train de jouer avec son iPod.
- Qu’est-ce que tu fais?
- Rien, dit-elle les yeux toujours rivés sur son écran.
- Ça ne va pas? lui demandé-je en m'asseyant sur son lit.
- Bof.
- Oh, ça va quand même bien. Mais, j’ai un examen de math lundi pis j’ai peur de ne pas être assez prête.
- J'imagine que tu ne dois pas avoir la tête à étudier ces temps-ci.
- Ouin… En même temps, quand j’arrive à me plonger la tête première dans mes études, ça me permet de penser à autre chose.
- Alors, tu arrives quand même à te concentrer?
- Ça dépend. Mais là, c’est des math et à la base, j’ai de la misère avec cette matière.
- Est-ce que tu penses que tes professeurs peuvent t’aider un peu? soulève-t-il.
- Ma prof de math m’a justement proposé de décaler mon examen si j’en avais besoin, mais j’ai l’impression que ça ne servirait à rien. Je ne serai pas plus prête dans une semaine.
- Ça peut quand même te donner un peu de temps pour apprendre la matière, non?
- Mouais…
Un rire strident coupe notre conversation. C’est ma mère au salon. J’ai l’impression qu’elle a un peu abusé du vin blanc. Une assiette et ma serviette à la main, je vais voir ce qui se passe. Elle est assise sur le divan avec sa sœur. Elles se font un fun noir avec leurs coupes de vin à la main, la bouteille juste à côté, sur la table basse.
- J’ai toujours raison alors on s’en fout! s’exclame ma mère en riant comme une folle.
Elles se remettent à rire aux éclats. J’ignore de quoi elles sont en train de parler. Ma tante semble un peu réchauffée, mais ma mère est vraiment saoule. On dirait bien que Josée a réussi à la faire décrocher de ses problèmes. Mon père est assis un peu en retrait sur le fauteuil une place. Le regard neutre, il a les yeux rivés sur maman. Quand il m'aperçoit, il me fait un petit signe de tête, voulant me spécifier que tout va bien.
- Ah Liz! fait mollement ma mère lorsqu’elle me voit. Tu es tellement belle, ma chérie. Tu es ma fierté.
- Merci… dis-je un peu mal à l’aise.
Je ne sais pas trop si je dois être contente que ma mère se lâche lousse ou bien avoir honte de son comportement. Je préfère lui lancer un dernier sourire puis retourner à la vaisselle. Ma mère est saoule, mais elle n’est pas en danger. En compagnie de sa sœur et de son conjoint, elle peut se laisser aller autant qu’elle en a besoin.
Une fois la vaisselle toute essuyée, je vais dans le corridor voir si Stéphanie est bien dans sa chambre. La porte est fermée.
- Steph? dis-je en cognant.
- Entre.
Je fais comme elle dit. Je la trouve sur son lit, en train de jouer avec son iPod.
- Qu’est-ce que tu fais?
- Rien, dit-elle les yeux toujours rivés sur son écran.
- Ça ne va pas? lui demandé-je en m'asseyant sur son lit.
- Bof.
- Tu veux parler?
Je présume fortement que c’est la disparition de Daniel qui la déprime. D’habitude, quand nous sommes chez tante Josée, Stéphanie et Daniel s’amuse comme des fous ensemble. Sans Dan, un souper de famille doit être ennuyant pour Steph.
- Je ne saurais pas vraiment quoi te dire, soupire-t-elle en fermant son iPod.
Et moi je ne sais pas quoi dire pour la réconforter. Je me sens nulle. Mais je dois faire quelque chose.
- T’as envie qu’on rejoigne les gars dehors?
Elle hausse les épaules. Je prends ça pour un oui. Je me lève et, surprenamment, elle me suit. Un sourire de satisfaction se dessine sur mon visage.
En arrivant dans la cour arrière, on retrouve les gars, toujours au sein d’une importante partie de soccer. Mon frère déploie tous ses efforts pour faire un but.
- Allez!!! crie-je en tapant des mains. Vas-y Rick!
Je présume fortement que c’est la disparition de Daniel qui la déprime. D’habitude, quand nous sommes chez tante Josée, Stéphanie et Daniel s’amuse comme des fous ensemble. Sans Dan, un souper de famille doit être ennuyant pour Steph.
- Je ne saurais pas vraiment quoi te dire, soupire-t-elle en fermant son iPod.
Et moi je ne sais pas quoi dire pour la réconforter. Je me sens nulle. Mais je dois faire quelque chose.
- T’as envie qu’on rejoigne les gars dehors?
Elle hausse les épaules. Je prends ça pour un oui. Je me lève et, surprenamment, elle me suit. Un sourire de satisfaction se dessine sur mon visage.
En arrivant dans la cour arrière, on retrouve les gars, toujours au sein d’une importante partie de soccer. Mon frère déploie tous ses efforts pour faire un but.
- Allez!!! crie-je en tapant des mains. Vas-y Rick!
Stéphanie m’imite et encourage son frère.
- Go Killer Killian!
- Killer Killian! répété-je morte de rire. C’est quoi ce nom?
- C’est parce que je suis un tueur, me crie Killian devant son but.
Je ris encore plus. Me parler l’a déconcentré car mon frère arrive à marquer un but.
- Yeahh!!! Bravo Rick!
Je cours vers lui et il me prend instinctivement dans ses bras. On crie comme des malades, comme s'il avait marqué le but du siècle.
- C’est beau revenez-en, nous agace Killian.
- Vous voulez jouer, les filles? nous demande Maverick.
- Ark! non merci, décliné-je.
- Ouiii passe-moi le ballon, s’empresse de répondre Stéphanie.
Je suis soulagée de voir que Steph s’est rapidement sorti de son état cafardeux. Avec mon frère, ils se mettent à deux pour vaincre Killian qui défend son but. Je les observe jouer en leur criant des encouragements.
La soirée se poursuit sur cette lancée. Alors qu’on commence à être un peu fatigué, je vois mon père qui passe la tête dans l’embrasure de la porte patio.
- Liz, Maverick, nous appelle-t-il. On rentre.
- Okay, on arrive! lui renvoie Maverick complètement essoufflé.
- Go Killer Killian!
- Killer Killian! répété-je morte de rire. C’est quoi ce nom?
- C’est parce que je suis un tueur, me crie Killian devant son but.
Je ris encore plus. Me parler l’a déconcentré car mon frère arrive à marquer un but.
- Yeahh!!! Bravo Rick!
Je cours vers lui et il me prend instinctivement dans ses bras. On crie comme des malades, comme s'il avait marqué le but du siècle.
- C’est beau revenez-en, nous agace Killian.
- Vous voulez jouer, les filles? nous demande Maverick.
- Ark! non merci, décliné-je.
- Ouiii passe-moi le ballon, s’empresse de répondre Stéphanie.
Je suis soulagée de voir que Steph s’est rapidement sorti de son état cafardeux. Avec mon frère, ils se mettent à deux pour vaincre Killian qui défend son but. Je les observe jouer en leur criant des encouragements.
La soirée se poursuit sur cette lancée. Alors qu’on commence à être un peu fatigué, je vois mon père qui passe la tête dans l’embrasure de la porte patio.
- Liz, Maverick, nous appelle-t-il. On rentre.
- Okay, on arrive! lui renvoie Maverick complètement essoufflé.
Après avoir rangé le but et le ballon, nous entrons dans la maison. Mes parents sont déjà dans l’entrée en train de mettre leurs manteaux. Ma mère galère à mettre le sien.
- Je ne trouve même pas les maaaanches! Hahaha!
Bon sang, elle est vraiment torchée. Papa la soutient comme il peut, on dirait qu’elle va tomber d’une seconde à l’autre.
- J’espère que ce n'est pas elle qui conduit, me chuchote Killian.
- Sûrement pas.
On se dit tous au revoir avant de sortir puis de monter dans la voiture.
Mon père démarre alors que maman bourre sa famille de compliments.
- J’ai la meilleure sœur du monde. Maudit qu’elle est drôle. Ses enfants sont des anges. Moi aussi, mes enfants sont des anges. Ils sont extraordinaires. Et j’ai un conjoint extraordinaire.
- C’est gentil, chérie, lui répond papa sur un ton neutre. Toi aussi tu es extraordinaire.
- Non, je suis la pire des mères. Mon bébé a disparu et je ne fais rien pour le retrouver.
Je n’aime pas la tournure de ses propos.
- Voyons Kristelle…
- Une mère doit toujours veiller à la sécurité de ses enfants.
Elle se met soudainement à pleurer.
- Mon poussin a disparu, sanglote-t-elle. Je veux qu’il revienne. Pourquoi il est parti? Dis-moi, Olivier. Pourquoi il est parti?
- Il n’est pas parti, il a disparu.
- Dis-moi qui l’a enlevé? Qui m’a enlevé mon poussin?
Je sens papa devenir nerveux, mais il garde un calme froid.
- Je ne sais pas, chérie…
- Pourquoi ce Marc Gélinas ne trouve pas mon fils?
- Il fait tout ce qu’il peut, Kristelle.
- C’est pas assez!
- Je ne trouve même pas les maaaanches! Hahaha!
Bon sang, elle est vraiment torchée. Papa la soutient comme il peut, on dirait qu’elle va tomber d’une seconde à l’autre.
- J’espère que ce n'est pas elle qui conduit, me chuchote Killian.
- Sûrement pas.
On se dit tous au revoir avant de sortir puis de monter dans la voiture.
Mon père démarre alors que maman bourre sa famille de compliments.
- J’ai la meilleure sœur du monde. Maudit qu’elle est drôle. Ses enfants sont des anges. Moi aussi, mes enfants sont des anges. Ils sont extraordinaires. Et j’ai un conjoint extraordinaire.
- C’est gentil, chérie, lui répond papa sur un ton neutre. Toi aussi tu es extraordinaire.
- Non, je suis la pire des mères. Mon bébé a disparu et je ne fais rien pour le retrouver.
Je n’aime pas la tournure de ses propos.
- Voyons Kristelle…
- Une mère doit toujours veiller à la sécurité de ses enfants.
Elle se met soudainement à pleurer.
- Mon poussin a disparu, sanglote-t-elle. Je veux qu’il revienne. Pourquoi il est parti? Dis-moi, Olivier. Pourquoi il est parti?
- Il n’est pas parti, il a disparu.
- Dis-moi qui l’a enlevé? Qui m’a enlevé mon poussin?
Je sens papa devenir nerveux, mais il garde un calme froid.
- Je ne sais pas, chérie…
- Pourquoi ce Marc Gélinas ne trouve pas mon fils?
- Il fait tout ce qu’il peut, Kristelle.
- C’est pas assez!
Je n'aurais pas imaginé ma mère sortir de ses gonds comme ça. Elle est passée d’un état de pur euphorie à un désespoir total. Nous avons accès à sa face cachée. Je ne suis pas certaine d’aimer ça. Je préfère quand ma maman est douce et rassurante. Est-ce que je suis égoïste de penser ça?
Ma mère pleure pendant tout le reste du trajet. Et dire qu’elle riait et s'amusait quand elle était avec sa sœur, et maintenant qu’elle se retrouve seule avec nous, elle devient malheureuse.
À la maison, papa amène maman dans la chambre. Il réussit à la coucher sans trop de difficulté. Elle rouspète un peu, mais elle s'endort vite. Maverick et moi, nous nous faisons les plus petits possible et allons nous cacher chacun dans nos chambres.
Cette soirée avait tout pour me faire oublier mes problèmes. Mais voir ma mère complètement saoule et prise dans un profond désespoir, ça m’a bouleversée. Je ne sais pas comment j’arriverai à dormir cette nuit.
Ma mère pleure pendant tout le reste du trajet. Et dire qu’elle riait et s'amusait quand elle était avec sa sœur, et maintenant qu’elle se retrouve seule avec nous, elle devient malheureuse.
À la maison, papa amène maman dans la chambre. Il réussit à la coucher sans trop de difficulté. Elle rouspète un peu, mais elle s'endort vite. Maverick et moi, nous nous faisons les plus petits possible et allons nous cacher chacun dans nos chambres.
Cette soirée avait tout pour me faire oublier mes problèmes. Mais voir ma mère complètement saoule et prise dans un profond désespoir, ça m’a bouleversée. Je ne sais pas comment j’arriverai à dormir cette nuit.
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