Sans trace - CHAPITRE 3

  

Chapitre 3

Mardi 7 octobre

- Il faudra commencer à conclure, nous rappelle Chanelle.

Je regarde l’heure. En effet, la réunion de l’équipe de plateau s’achève dans quelques minutes. Nous avons des réunions chaque mardi et jeudi, à seize heures, tout de suite après les cours. J’adore mon activité parascolaire. Faire partie de cette équipe qui s’occupe de l’arrière scène d’une pièce de théâtre m’enchante au plus haut point. J’ai déjà hâte à notre rencontre de la semaine prochaine. On devrait enfin commencer à monter le décor.

Les acteurs ont aussi leurs réunions pour choisir une pièce et se pratiquer. Mais eux, se réunissent les lundis et mercredis. Ma partie préférée est vers la fin de l’année quand la pièce est toute montée et qu’il ne reste qu’à nous pratiquer tous ensemble ; les acteurs et l’équipe technique.

- Alors pour les murs, on était d’accord pour quelque chose de psychédélique?

- Oui, confirme Luka. Qui voulait s’occuper de peindre les motifs?

- Moi! me proposé-je. Je suis bonne en dessin.

- Parfait!

- Ah et j'ai aussi trouvé des idées pour les costumes…

- C’est super Liz, mais on en discutera la semaine prochaine si tu veux bien, me coupe Chanelle en me faisant un clin d'œil. Note tout de même tes idées pour ne pas les perdre. On confirmera les couleurs à notre séance dans deux jours. La semaine prochaine, on pourra commencer à peindre.  

Tout le monde acquiesce alors que Nadia me regarde en se retenant de rire. Je lis dans ses pensées qui me disent « T’es trop motivée, Liz ». Eh oui, je plaide coupable.

La réunion terminée, je vais rejoindre Nadia qui range ses effets dans son sac. Je jette un coup d'oeil dehors, il fait déjà noir. Les journées raccourcissent. J’ai tout de même envie de faire une petite sortie avec mon amie ce soir. Je lui propose.

- Ça te tente qu’on aille en ville manger une crème glacée?

- Il fait pas un peu froid pour ça?

- Ils ferment aujourd’hui pour la saison. C’est notre dernier soir pour en profiter.

 - Okay d’abord, acquiesce-t-elle souriante. Ça va être bon.

- Certain!

Nous appelons chacune nos parents pour les informer que nous nous rendons au bar laitier.

Arrivée à destination, je salive devant le comptoir qui offre une multitude de saveurs.

- Il y a trop de choix, dis-je.

- Moi je sais ce que je veux, déclare Nadia. Ce sera comme d’habitude.

Elle se tourne vers la caissière.

- Je vais prendre un petit twist au chocolat s’il-vous-plaît.

La jeune femme la fait payer puis lui prépare son cornet.

- Merci, dit Nadia en prenant son dessert.

- Et pour vous? me demande l’employée.

- Oh là là, j’ai de la pression.

Nadia ricane.

- Allez Liz.

- Hum… Je vais prendre une coupe trois saveurs et ça sera mangue, pistache et euh… framboise.

Après avoir payé, la femme me prépare mon dessert puis me le tend enfin.

- Voilà, bon appétit.

- Merci, lui répondons en coeur en sortant.

Dehors, nous nous installons à la table à pique-nique près de la porte.

- C’est tellement bon, affirme Nadia la bouche pleine.

- Tu t’es toute beurrée la face, rigolé-je en lui tendant une serviette de table.

- Ha ha, c’est impossible d’être chic en mangeant un cornet.

Nadia s'essuie le visage puis se remet à lécher sa crème glacée.

- C’est quoi les idées de costumes que tu as trouvées? me demande mon amie.

- Comme on a décidé que la pièce se passe dans les années 1970, j’ai tout de suite imaginé le personnage de Bibiane avec un style assez hippie.

Bibiane est une fille de notre classe avec qui on se tient pendant les cours.

- Hippie? Mais c’est elle qui tue le propriétaire de l’auberge à la fin de la pièce.

- Justement! Ça crée un clash parfait. Et ça lui donnerait tout un style avec son caractère passif-agressif. Fais-moi confiance, ça fait totalement sens dans ma tête.

Nadia me fait un sourire complice puis me lance :

- Je te fais confiance.

- J’ai hâte de le dire à Bibiane, dis-je, toute excitée.

- Je comprends. Moi, j’ai hâte qu’on se mette officiellement à monter le décor et à fabriquer la grosse fenêtre sur le côté.

- Oh my god, moi aussi!

J’entends soudainement la voix de Maverick derrière moi.

- Salut les girls!

Je me retourne. Mes deux frères sont là, à marcher dans notre direction. Qu’est-ce qu’ils font là?

- Pourquoi vous êtes ici? demandé-je, surprise de les voir.

- Quand Dan a su que vous étiez parties manger une crème glacée, il était jaloux et en voulait absolument une lui aussi. Alors je l’ai accompagné.

- J’avais peut-être envie de passer une soirée sans mes frères pour une fois. Tu ne penses pas?

- Allons Liz, supplie Daniel. C’est leur dernier jour d’ouverture. Ça ne rouvrira pas avant l’été prochain.

- C’est pas grave Liz, me dit Nadia souriante. On va avoir du fun tous les quatre.

Je hausse les épaules en signe de résignation. Ils ont raison tout compte fait.

- En effet, confirme Daniel. Et je sais que Nadia m’aime beaucoup.

Je roule les yeux alors que Nadia s’esclaffe derrière sa crème glacée.

On paie une crème glacée à Dan puis nous décidons d’aller nous installer au parc à quelques pas du bar laitier. Arrivée sur les lieux, je me laisse tomber dans l’herbe, près d’un banc, tandis que Daniel m'imite. Nadia s'assoit à côté de nous et Maverick s’installe sur le banc.

- Alors Daniel, commence Nadia, comment tu trouves le secondaire?

- C’est perturbant, déclare-t-il. Au primaire, je me sentais trop vieux parmi les autres et du jour au lendemain, je suis un des plus minus de l’école.

- Pour moi, tu as toujours été un minus, l’agacée-je. Et tu le seras toujours. Même quand tu auras trente ans.

- Ouais ben un jour, je serai plus grand que toi, rétorque-t-il.

- Ça, ça va être perturbant.

Daniel nous fait savoir qu’il aime bien le secondaire jusqu’à maintenant, malgré certaines adaptations auxquelles il a dû faire face. Maverick se met notamment à raconter sa nouvelle vie scolaire à lui aussi.

- Il y a certains cours qui m’intéressent plus ou moins, mais le cours de production photos me fait capoter. Je pense que je veux réellement faire ça de ma vie.

- C’est vraiment cool que tu aies déjà trouvé ta voie, dis-je à mon grand frère. T’es tellement passionné, c'est beau à voir.

- Merci Liz, sourit-il.

Maverick reçoit un texto qui interrompt soudainement notre conversation.

- Ah merde, gémit-il après avoir lu son message.

- Qu’est-ce qu’il y a? demandé-je.

- C’est maman. Vu qu’on est en ville, elle veut que j’aille lui acheter les trucs qui lui manquent pour le souper de demain.

- Et c’est quoi le problème?

- Ça me tente pas, soupire-t-il. J’ai pas le goût de me tapper la marche jusqu’à l’épicerie. Déjà qu’on est venus ici à pied, qu’il faudra remarcher jusqu'à la maison… Et l’épicerie ferme dans pas longtemps. C’est rushant.

- T’es dont ben lâche, se moque Daniel.

- Ben vas-y à l'épicerie si t’es si fin, réplique Maverick.

- Okay. Donne-moi l’argent.

- Voir que je vais te confier ma carte de crédit.

- Ben arrange-toi d’abord…

- Relaxez, les coupé-je, amusée par leur pseudo dispute. Je vais y aller. Restez ici, je reviendrai vous rejoindre après.

Maverick me texte la liste que maman lui a faite. Je me lève, prends mon sac, puis me retourne en direction de l’épicerie.

- Attends, je viens avec toi, me dit Daniel en s’approchant.

- Pourquoi?

- Je veux me choisir un dessert pour les lunchs. Il n’y a plus rien à la maison.

- Bon d'accord. Viens.

- Moi, je vais rester avec Maverick pour pas qu’il s’ennuie, rigole Nadia.

Mon petit frère marche donc à mes côtés tout en léchant de temps à autre sa crème glacée au caramel qu’il n’a pas encore terminée.

- Une chance qu’il fait froid. Ta crème glacée aurait eu le temps de fondre tellement tu es lent, le taquiné-je.

- Je la savoure, explique Daniel.

Le chemin est assez long. Bizarrement, l’épicerie était plus proche que ça dans ma tête. Les gens dans les rues se font rares. À cette heure, l’été, il y a encore beaucoup de monde qui déambule en ville, mais maintenant que l'automne est bien entamé, les rues sont très tranquilles. Les touristes sont partis depuis déjà longtemps et les gens de la place sortent moins le soir car il commence à faire frais. J’aime cette période de l’année. C’est silencieux, les arbres sont magnifiquement colorés… mais il fait noir et froid. Je resserre mon foulard de laine autour du cou.

Arrivés à l’épicerie, je me dirige vers les fruits et légumes pour prendre ce que ma mère a mis sur sa liste.

- Je vais dans la rangée des biscuits, me lance Daniel avant de s’éloigner.

- Je t’y rejoins pas long, ai-je le temps de lui dire avant qu’il ne soit trop loin.

Je continue les achats pour ma mère. J’essaie de ne pas trop prendre mon temps car l'heure de fermeture approche.

J’ai tout ce qu’il faut dans mon panier. Quand j’arrive dans la rangée des biscuits, je remarque qu’il n’y a personne. Rah, ça m’énerve quand il me fait ça! Maintenant, je suis prise à le chercher partout dans le magasin comme une conne. Je marche en jetant un œil à travers chaque allée. Je ne vois pas Daniel. Qu’est-ce qu’il m’énerve. On s’est dit la rangée des biscuits, qu’est-ce qu’il est parti faire? Je rebrousse chemin et recommence mon repérage, mais dans l'autre sens. Je le vois enfin, il marche au bout d’une rangée. Il est trop loin pour que je l'appelle. Il disparaît à nouveau. Pourquoi change-t-il encore de rangée bon sang? Cet enfant ne tient pas en place. Je cours pour le rattraper.

- Daniel, l’appellé-je pour qu’il s’arrête enfin.

Comme prévu, il arrête sa marche puis se retourne vers moi.

- Hé, me salut-il. T’es prête?

- Pourquoi tu te promènes partout? lancé-je en ignorant sa question. On avait dit qu’on se rejoignait près des biscuits.

- J’allais t’y attendre aussi.

Je révulse les yeux.

- Pourtant, à ce que je vois, tu as déjà fait ton choix, dis-je en pointant les boites qu’il tient dans ses mains.

- Ouais, salive-t-il en regardant ses desserts. Deux boîtes d’Oréo.

Il les dépose dans mon panier.

- Tu t’es gâté.

- Maman n’est pas là pour dire qu’ils sont trop chers alors j’en ai profité, dit-il avec espièglerie.

- Tu as bien fait, souris-je en lui ébouriffant les cheveux.

Nous marchons vers les caisses ou plutôt, la seule caisse restée ouverte. Le magasin ferme dans cinq minutes et une incroyable file attend pour payer. Pauvre caissière. Je me sens mal de faire partie des raisons qui l'obligeront à rester plus tard ce soir.

- C’est long, se plaint Daniel.

- Patiente. On n’a rien d’autre à faire de toute façon.

- Mais c’est plate.

- Eh oh, t’es avec moi quand même et je pense pas être si plate.

- Oui tu l’es.

Je pouffe de rire.

- C’est gentil, dis-je faussement frustrée.

- Je vais aller rejoindre Maverick et Nadia tout de suite. C’est trop long.

- Franchement, t’es capable d’attendre.

- Mais je m’emmerde.

- Ah pis vas-y dont. Tu m’énerves.

- Yeah!
 
Il part en courant vers la sortie puis la porte automatique se referme derrière lui. Je reste donc là, à attendre dans cette file.

Quelques minutes plus tard, mon tour arrive enfin. J’esquisse une moue désolée à la caissière. Désolée de faire partie de ceux qui la retardent dans la fermeture du magasin. J’emballe mes items dans mon sac à mesure qu’elle les scanne. Je paie puis la remercie avant de sortir.


Commentaires

  1. Subitement, j’ai un doute. Est-ce que Daniel sera au rendez-vous?
    J’adore le suspense.
    Tu me garde en haleine Corinne! Vivement la suite

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  2. Oui, ça commence à être stressant!

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