Ta délivrance, ma souffrance - CHAPITRE 27

     

27. Welcome To The Black Parade

Mai

Avec Welcome To The Black Parade de My Chemical Romance à fond dans mes oreilles, j'époussette le magnifique présentoir à cercueils.

J’étais nerveuse mais la soirée de mon training s’est très bien déroulée.

- Le salon ouvre à neuf heures, m’a spécifié Annick. Tu commenceras à six heures pour profiter du temps où il n’y a pas de clients. Il est tout de même possible que tu n’aies pas terminé à neuf heures. Ne stresse pas avec ça, ce n’est pas bien grave. D'ailleurs, tu pourras terminer par le sous-sol puisque seuls les employés ont le droit de s’y trouver.

J’ai beau débuter mon quart de travail très tôt, me réveiller avant six heures ne me dérange pas. Au contraire, terminer de travailler entre neuf et dix heures, je ne pouvais pas rêver mieux. J’ai toute ma journée de libre après mon shift. Et c’est comme ça chaque samedi et dimanche.

- Il y a quelqu’un d’autre qui fait le ménage la semaine? ai-je demandé à Annick entre deux informations.

- Oui, a-t-elle confirmé. Elle voulait ses fins de semaines alors on a cherché quelqu'un pour combler le reste de l’horaire.

Annick m’a présenté en détail toute la bâtisse. Chaque salle d’exposition, le columbarium, les bureaux à l’étage, le salon où on rencontre les clients, et enfin, le sous-sol. J’y ai rencontré Maxence pour une seconde fois. J’ai appris que c’est lui qui s’occupe des embaumements. Son travail me fascine. La pièce où il travaille est remplie de gadgets dont j’ignore la fonction. J’espère secrètement pouvoir un jour voir mon collègue à l'œuvre.

J’ai fait connaissance avec le reste de l’équipe. Jérôme, qui s’occupe principalement des clients, tout comme Annick. J’ai notamment eu le temps de rencontrer le grand patron, Edgar Lavoie en personne. Je l’ai trouvé imposant derrière son bureau et son âge avancé. Mais il semble gentil. Le contraire serait un comble. Il est nécessaire d’être une bonne personne pour être directeur de pompes funèbres.

Comme je travaille seule, Annick m’a avisé que j’avais le droit d’écouter de la musique pendant mon ménage, tant que j’ai mes écouteurs.

J’ai vraiment déniché un emploi de rêve.

Me voilà donc chez Edgar Lavoie, très tôt un dimanche matin, à rendre l'endroit impeccable pour les gens endeuillés.

Je passe ensuite l’aspirateur, je nettoie les salles de bain. C’est mon deuxième dimanche de travail, donc, mon quatrième jour. Mon ménage a pris beaucoup trop temps lors de mon premier shift. À dix heures, je n’avais pas encore terminé. J’avais terriblement peur d’être renvoyée sur le champ. Je lavais les fenêtres quand un client est entré dans le bâtiment. J’ai eu honte qu’il me voie en plein ménage. Annick est passée devant moi pour accueillir l’homme à l’entrée. En l'accompagnant vers la pièce où l’on rencontre les clients, elle m’a lancé un regard rassurant comme si elle lisait dans mes pensées. J’ai compris que je n’avais pas à m’en faire d’être encore là. J’ai soufflé un bon coup et suis retournée à mes fenêtres.

Aujourd’hui, j’arrive à terminer plus tôt qu’à mon premier jour. Je prends tous mes produits nettoyants pour les ranger dans le placard à côté du lieu où Maxence prépare les corps. Je le vois d’ailleurs travailler sur quelqu’un. Avant de partir, je m’approche de lui.

- C’est qui le défunt? lui demandé-je par curiosité.

- Élise Cormier. Cinquante-et-un ans, morte dans un accident de voiture, m’apprend-t-il en prenant une pause de son travail.

- Oh my god, m’exclamé-je dépitée. Pauvre elle.

- Oui, c’est triste, certifie-t-il sur un ton qui mélange tristesse et professionnalisme. La vie peut être vraiment injuste parfois.

Je ne vais pas le contredire.

Je m’approche pour contempler la dépouille de cette femme. Elle ne possède aucune trace qui laisserait présager un accident de voiture mortel.

- Elle est vraiment morte dans un accident d’auto? interrogé-je pleine d'incompréhension devant les traits parfaits d’Élise.  

- Ses blessures physiques étaient assez mineures, m’explique Maxence. Elle a quand même subit une déformations au visage, mais rien d’impossible à corriger.

- Wow, elle n’a vraiment pas l’air d’une fille qui a eu un accident d’auto.

Un sourire fier se dessine sur le visage de Maxence.

- Je le prend comme un compliment.  

- C’en est un aussi. Ce que tu fais, c’est de l’art.

- Merci. Un beau jour, je te montrerai comment je fais.

- Oh oui je voudrais tant voir ça. Ça me fascine. C’est vraiment génial qu’on puisse faire ça. J’imagine que certaines personnes ont besoin de voir leurs proches une dernières fois.

- En effet. Tu aurais dû voir l’expression de son mari quand je lui ai appris que je pouvais restaurer le visage de sa femme, dit Maxence avec émotion.

Je me sens émue tout à coup. Je travaille parmis des gens qui ont comme objectif d’accompagner des personnes en deuil et de les aider du mieux possible. J’admire cette équipe.

Mathias n’a pas été exposé lors de ses funérailles. Je me demande si j’aurais préféré qu’il en soit ainsi. Ça m’aurait permis de le voir une dernière fois. Ils auraient maquillé la marque que la corde a laissée sur son cou. Je frémis à cette pensée. Probablement que l’incinérer était l’idéal en fin de compte. Pour moi du moins. Je n’aurais peut-être pas aimé le voir dans cet état artificiel.

Je repose le regard sur Élise Cormier qui semble pourtant n’avoir rien d'artificiel. Maxence est un génie.

- Tu as fait quoi comme études pour faire ça? lui demandé-je subitement.

- Une technique en thanatologie. Au Québec, ça se donne juste à Montréal.

- Et comment tu as su que tu voulais faire ça dans la vie?

- Mon grand-père était thanatologue, m’apprend-t-il. Il m’a donné envie de faire ce métier.

Je hoche la tête.

- Bon ben je ne te dérange pas plus longtemps, dis-je en allant chercher mon sac dans le placard. Bon travail.

- Merci, répond-il tout sourire en se penchant pour maquiller Élise. Passe une belle journée.

- Toi aussi.

Je monte les marches et me dirige vers la sortie. Il fait chaud aujourd’hui, le soleil tape fort sur ma tête. J’aurais dû apporter ma casquette. Elle me serait utile pour mon retour à la maison.

En rentrant, je suis accueillie par ma mère qui fait du repassage dans le salon.


- Ça a bien été au travail?

- Oui. J’adore ça. Je travaille toute seule, je suis dans ma bulle. Sérieux, c’est la job rêvé.

- Je suis contente que t’aimes ça, me sourit-elle.

Elle était notamment contente quand je lui ai annoncé que j’avais enfin déniché un travail. Elle a été surprise quand je lui ai révélé que je travaillerais chez Edgar Lavoie.

Il est dix heures trente. J’ai le reste de ma journée pour faire ce que je veux. Comme il fait un soleil magnifique, je vais m’installer dehors pour avancer mes devoirs.

Le son d’un texto dérange ma quiétude au soleil. Je sors mon téléphone de ma poche. Rose nous a envoyé un message dans notre conversation à tous les cinq.

Rose
{Regardez le bel amour que j’ai invité comme cavalier}

Elle envoie une photo William et d’elle dans leurs habits pour le bal. Telle une princesse, mon amie porte sa longue robe rouge qu’elle a achetée il y a à peu près un mois. Son copain l’accompagne magnifiquement avec sa chemise de la même couleur que la robe. Flavie répond aussitôt.

Flavie
{Wow! Vous allez ensemble. Vous êtes super beaux}

Rose
{Merci}


Sarah
{C’est vrai, vous êtes magnifiques}

Bordel, le bal m’était complètement sorti de la tête. En conversation solo, j’écris à Flavie en trombe. 


Sarah
{Flavie, j’ai même pas de robe encore!!!}

Flavie
{Hahaha! C’est pas ton genre ces événements-là :p}

Sarah
{Non!}

Flavie
{Je te vois tellement pas en robe de bal XD}

Sarah
{Mon non plus!!!}

Flavie
{Panique pas. Je ne travaille pas aujourd’hui. Si ça te dit, je viens te chercher et on te magasine quelque chose ;)}

Sarah
{Oh oui, tu me sauves la vie! Avoue que tu veux juste me mettre sous le nez
que tu as obtenu ton permis ;)}

Flavie
{T’as tout compris ;)}

Flavie a réussi son examen de conduite et elle en est très heureuse. Aujourd’hui sera la première fois que je monterai dans sa voiture.

* * *


Nous avons passé l’après-midi à faire les boutiques. Habituellement, je déteste magasiner mais je dois admettre que j’ai passé un réel bon moment avec Flavie. Contrairement à elle et à Rose, je n’ai pas eu besoin de me rendre à Montréal pour me choisir une robe de bal. Je savais que j’allais trouver quelque chose de très convenable pour moi en ville. Je me suis achetée une belle robe noire toute simple, courte, avec un aspect vintage très charmant. Pour les souliers, je ne me suis pas cassé la tête. J’ai décidé de faire comme Aurélie Laflamme et d'y aller avec mes Converses. Au grand désarroi de ma mère.

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