Ta délivrance, ma souffrance - CHAPITRE 22

 22. House On Fire

Avril

Ça fait une heure que William et Rose pratiquent leur chorégraphie dans le local de danse. Je m’emmerde à mourir. Je me suis couchée sur le gros matelas de gym bleu. Au début, j’observais attentivement mes amis danser, expérimenter et créer des mouvements, mais maintenant, je réalise que j’en ai plus rien à foutre. J’ai fini par enfouir mon visage dans l’épais coussin et j’ai dû y rester pendant plusieurs bonnes minutes. J’allais presque m’endormir.

Pendant cette heure, Flavie observe la danse, pose des questions, émet quelques commentaires et fait quelques blagues qui réussissent à me tirer un sourire :

- Coordination en unisson. Rebond puis suspension. Fait un rond de jambe sur le cochon.

William lui répond par des grimaces et Rose ne porte même pas attention à Flavie. Nous comprenons rien à leur vocabulaire de danse Flavie et moi alors elle dit parfois, aux hasard, des mots qu’emploient nos danseurs en faisant semblant de savoir ce qu’elle dit alors qu’en fait, elle dit n’importe quoi. Mais excepté ses commentaires amusants, cette répétition de danse m’exaspère. Ils se prennent tellement au sérieux. On ne dirait même pas qu’ils ont du plaisir. Et j’en ai marre d’entendre House On Fire à répétition, ça va me rendre folle.

- Arrgh j’y arrive pas, se plaint Rose.

- Mais non ma belle. Tu es super bonne, tu vas y arriver.

Ils recommencent à danser.

Flavie se promène partout dans le studio. Elle improvise des mouvements de danse au rythme de la chanson mais à côté de William et Rose, elle a l’air d’une patate. Mais elle s’en fout, elle se divertit.

- Non mais qu’est-ce que j’ai aujourd’hui? s’exaspère Rose sur le bord des larmes.

Elle commence sérieusement à m’énerver. Ça fait une heure que je la regarde être une déesse de la danse et elle se plaint tout le temps qu’elle n’est pas assez bonne.

- Rosichou, tu es la meilleure, la rassure William. Tu vas voir, à force de pratiquer tu vas l’avoir.

Avoir quoi? Elle maîtrise déjà tout il me semble. Qu’est-ce qu’il lui faut de plus?

- Je suis nulle aujourd’hui…

- Bon je m’en vais, lâche Flavie soudainement. Vous êtes pas drôles.

Sur cette phrase qu’elle a sortie d’un trait, Flavie sort de la pièce. Rose et William n’en font aucun cas. Ils continuent leur conversation.

Je suis surprise. Flavie vient d’exprimer exactement ce que je pensais tout bas. Je ne pensais pas qu’elle aurait été du genre à dire ça. Puisque Flavie est partie et que Rose et William m’énervent, je décide de suivre mon amie à l’extérieur.

Je ne sais pas où elle est allée. Je balaie la tête à travers le corridor. Je vois que la porte de la bibliothèque est ouverte. J’y aperçois Flavie à l’intérieur en train de feuilleter des livres. J'entre pour la rejoindre. Nous sommes les seules dans la pièce.

- Hey, lui fais-je en entrant dans la bibliothèque.

- Hello, me répond-t-elle en souriant.

Elle remet à sa place le livre qu’elle feuilletait.

- Qu’est-ce que tu fais? lui demandé-je.

- Rien de spécial. Je regardais si je pouvais trouver un bon livre.

- Tu cherches un genre en particulier?

- Hum, un roman policier ça serait cool.

- Je n’aime pas les romans policiers.

- Sacrilège, s’exclame-t-elle faussement indignée.

- Je préfère les drames réalistes, expliqué-je.

- Moi aussi j’adore ça. Mais plus quand c’est des films. As-tu déjà vu Disconnect? J’ai découvert ce film le mois dernier. C’était tellement bon.

- Non, connais pas.

- Évidemment, s’exclame-t-elle déçue. C’est un film indépendant. Les films pas grand public sont malheureusement pas assez connus.

Flavie m’impressionne avec sa culture générale. Elle connaît plein de films underground ou étrangers qui s'avèrent être incontournable. Elle connaît du bout des doigts les événements historiques (j’exagère à peine). Elle s’y connaît en histoire de l’art, en littérature, et j’en passe.

- C’est quoi l’histoire? lui demandé-je, intriguée.

- C’est trois histoires en parallèle. L’une parle d’une journaliste voulant interviewer un gars qui fait des séances de webcam érotique, l’autre parle d’un ado qui se fait avoir avec le faux compte Facebook d’une fille et la dernière c’est un couple qui s’est fait voler ses informations bancaires. C’est un excellent film sur les dangers d’internet.

- Tu me feras écouter ça, ordonné-je enthousiaste à l’idée de découvrir ce film qui semble vraiment bon.

- Avec joie, sourit-elle. On se fera une soirée cinéma.

Son invitation crée un baume en moi. Flavie désire une soirée tranquille avec moi seule. C’est réconfortant.

- Sérieux, je suis contente de te faire écouter ce film, s'excite-t-elle. J’étais triste de ne pouvoir partager cette découverte avec personne.

- Tu ne seras plus seule avec cette découverte, dis-je en lui faisant un clin d’oeil.