Critique : Adolescence sacrifiée

 

Titre : Adolescence sacrifiée 

Auteur(e) : Madelaine Robitaille

Édition : de Mortagne 

Nombre de pages : 281

Résumé :

Ma mère est malade. À cause de sa dépression, elle dort sans arrêt. Ce n’est pas sa faute.

À part ma meilleure amie, personne ne le sait. Si mon école ou celle de mon petit frère et ma petite sœur s’en rendait compte, on pourrait être envoyés en famille d’accueil. Alors, je m’occupe d’eux le mieux possible.

Bien sûr, mon père est au courant. Mais il travaille sur la route et ne rentre que la fin de semaine. Ces jours-là, elle sort du lit. Elle mange avec nous. Elle prend même sa douche.

Le reste du temps, c’est moi, la mère. Je gère tout. La cuisine, la vaisselle, le ménage, les bains, les devoirs. Je donne ses médicaments à maman, aussi. Je les garde toujours avec moi. Elle pourrait être tentée d’en prendre trop…

Je suis fatiguée. Je ne sors jamais. Je m’inquiète tout le temps. Mais je ne peux pas abandonner les plus jeunes. De toute façon, elle va finir par guérir. Hein ???

La parentification décrit le phénomène où un enfant ou adolescent est laissé à lui-même et doit prendre soin de son parent, voire des autres membres de la famille. De la gestion des finances à l’hygiène, en passant par l’alimentation et le travail scolaire, il sacrifie son adolescence et s’attribue les responsabilités d’un adulte. La plupart du temps, ses efforts ne sont pas reconnus. Il peut alors se retrouver dans une impasse destructrice.

Avis :

Le livre nous plonge efficacement dans le vif du sujet dès les premières phrases. Ceux qui me connaissent savent que j’ai un faible pour les histoires de famille alors entrer dans l’intimité de cette famille m'a vraiment agrippée. Je me suis tout de suite sentie investie par les défis quotidiens de Marianne. Chaque membre de la famille a une personnalité bien distincte qui apporte beaucoup à l’histoire. Marianne est évidemment le pilier de cette famille. Elle fait tout en son pouvoir pour aider tout le monde. 

Chaque personnage se démarque et joue un rôle clé dans le récit. La mère, en pleine dépression depuis des années paraît très réaliste. On a pitié pour elle et en même temps on rage car elle abuse de sa fille. Le père est particulièrement frustrant en étant absent, mais ça appuie parfaitement le fait que tout repose sur les épaules de Marianne. Le petit frère et la petite sœur sont vraiment mignons. Marianne les adore, mais elle devient plus une mère qu’une grande sœur pour eux, ce qui met à mal sa propre jeunesse, mais aussi son lien fraternel avec ses frères et sœur. Les deux jeunes subissent notamment les conséquences de la négligence de leurs deux parents. J’ai aimé qu’il y ait un grand frère qui, contrairement à Marianne, refuse de jouer le rôle de parent pour sa mère. Lui, il ose critiquer ses parents, comment la mère reste dépendante de sa fille et comment le père disparaît des radars trop facilement. Antonin voit la toxicité de sa famille, et pense surtout à son bien être. Ça permet à Marianne d’être bousculée dans ses opinions et de réaliser petit à petit comment sa situation n’est pas seine. On a vraiment une bonne vue d’ensemble sur la famille et comment la situation l’impact.

Le livre se centre énormément sur la famille. Rare sont les moments où Marianne est en dehors de la maison. Ça appuie beaucoup que cette dernière occupe entièrement ses pensées et son quotidien. Il y a bien sûr, quelques scènes qui se déroulent à l’école, et elles montrent bien comment Marianne à énormément de difficulté à gérer ces deux sphères de sa vie. Il y a seulement un moment où Marianne sort enfin de la maison pour faire une petite sortie avec des jeunes de son âge. Même pour nous qui sommes habitué à la voir jouer constamment la mère dans cette maison, ça fait bizarre de la voir sortir au cinéma, mais ça fait en même temps du bien de la voir souffler un peu, enfin. Et j’ai beaucoup apprécié qu’on ne sous-entende pas de romance entre elle et le garçon qui l’a invité. D’abord, parce que tous les romans Tabou ont des romances et ça commence vraiment à m’agacer. Mais surtout dans ce roman, une romance aurait été très déplacée et vraiment forcée car dans ce contexte, ça ne s’y prête pas. Marianne n’a aucun temps pour ça. Alors j’apprécie énormément que ce ne soit qu’une petite sortie sympa entre jeunes et que ça n’aille pas plus loin. Même que ces jeunes, on ne les revoit pas car le quotidien pesant de Marianne la rattrape rapidement. 

La seule chose qui m’a beaucoup déçu dans ce livre est la fin car elle est beaucoup trop précipitée. J’avais l’impression que le livre était pressé de se terminer. J’aurais pris peut-être au moins deux chapitres de plus. On ne voit pas la résolution finale se faire. Le livre aurait gagné à montrer la famille se parler, voir ce qu’il y a à régler avec la DPJ, que chacun partage ce qu’il pense, ses frustrations, ce qui lui pèse, comment les membres vont finir par s’entendre, s’il va encore avoir des tensions ou s'ils vont se réconcilier... J’aurais voulu voir comment se déroule les intersections entre Marianne et ses parents. Est-ce que sa mère serait restée fâchée contre elle ou bien aurait-elle eu une prise de conscience? Comment a réagi le père? A-t-il eu une prise de conscience? Est-il devenu triste et désolé pour sa fille, ou bien il était fâchée qu’elle ait parlé à la DPJ? On dirait vraiment qu’il manque la fin. Une partie de ce qu’on aurait dû trouver dans le ou les derniers chapitres est très rapidement résumé dans un épilogue de deux pages. Même l’épilogue est trop court. Ça m’a déçu car le reste de l’histoire était vraiment bon et aurait mérité une fin qui lui rende justice. 

Puis, il y a un petit point qui me chicote concernant le titre. Au départ, le livre devait s'appeler Soit grande et tais toi. J'aurais énormément préféré ce titre à celui qu'on a présentement. Soit grande et tais toi, je le trouve beaucoup plus percutant. Il indique la pression que subit Marianne de la part de ses parents. De plus, il précise plus clairement le sujet. Adolescence sacrifiée colle bien à l'histoire, mais il est trop général. Il pourrait très bien aussi être le titre d'un livre qui se déroule pendant la Première Guerre mondiale, par exemple.

Mais j’arrive tout de même à apprécier ce roman pour tout le reste. Il dénonce une situation malheureuse que vivent certains enfants et adolescents et il le fait très bien, avec beaucoup d’émotions et de réalisme.

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