Critique : Délivrée

 

Titre : Délivrée 

Auteur(e) : Roxane Jérôme

Édition : de Mortagne

Nombre de pages : 330

Résumé : 

Mon secondaire cinq devait être mon année des premières fois. Premier amour, premier road trip, premier bal… J’ai touché à tout ça du bout des doigts.

Puis Ewing est arrivé. Ewing, un grave sarcome qui me colle désormais aux os.

À cause de ce foutu cancer, mes premières fois ne sont plus celles d’une ado normale. Première chimio, premier séjour à l’hôpital, premier contact avec la mort. Malgré la tempête, ma famille et mon copain font tout ce qu’ils peuvent pour garder espoir et me faire sourire. Une chance que je les ai auprès de moi…

Pourtant, j’ai peur que ce ne soit pas suffisant. Ewing m’attaque sans arrêt et il gagne du terrain chaque jour. Je ne veux pas le laisser remporter le combat. Mais je suis si fatiguée…

Pour certaines personnes en fin de vie, la douleur est trop grande. Dans le but de soulager leurs souffrances, elles ont la possibilité de demander l’aide médicale à mourir. Sous la supervision de professionnels de la santé, elles reçoivent alors des doses de médicaments qui entraînent paisiblement la mort. Cette procédure est strictement encadrée par la loi canadienne. Pour qu’une demande soit acceptée, elle doit répondre à plusieurs critères précis.

Avis :

Au départ, je n’étais pas certaine de vouloir lire ce roman. Je me demandais si j’avais vraiment le goût de m’embarquer dans une histoire de cancer. Ça me semblait lourd tout ça. Mais le sujet de l’aide médicale à mourir m’intéressait tout de même. Finalement, j’ai décidé de donner une chance à Délivrée, et j’ai vraiment bien fait. Je n’ai eu qu’à lire les premières pages pour tout de suite embarquer dans l’histoire. On s’attache immédiatement à Rose. Elle est vive d’esprit, douce et amusante. Elle entretient un lien fort avec son copain Damien et son cousin Emmanuel, et les trois jeunes dégagent une très belle dynamique de groupe. C’est ça qui m’a séduite dès le début. Je crois que c’est de ça que j’ai peur avant de m’embarquer dans un livre ; j’ai peur que le sujet principal prenne toute la place au profit des personnages. Car ce qui est intéressant dans une histoire, c’est de voir comment les personnages cohabitent avec le sujet en question. Un livre ou un film peut porter sur le sujet le plus intéressant au monde, si les personnages sont fades, absents, ou s’ils se marient mal avec les thèmes, l’histoire ne sera pas bonne. Roxane Jérôme a parfaitement réussi à intégrer ses personnages dans son sujet et son intrigue. Elle a su avant tout poser un contexte, une ambiance, des personnages avec des liens entre eux et une backstory, pour ensuite inclure le tout dans le vif du sujet. 

Le sujet en question est relativement bien maîtrisé. On suit Rose dans l’avancement de sa maladie. Elle garde espoir, elle est forte mais vit tout de même des moments de découragement, bien évidemment. Mais on sait où son cheminement la mènera et ça nous brise le cœur en tant que lecteur qui s'est attaché à la jeune fille. On est notamment triste pour son entourage pour qui cette situation est très difficile aussi. Comme on s'y attend, Rose finit par demander l’aide médicale à mourir. J’ai aimé que les réactions face à sa décision soient variées. Damien, même si ça le blesse énormément, il soutient sa douce dans sa décision car il sait qu’elle souffre. Au contraire, Emmanuel n’accepte pas du tout son choix. Pour lui, c’est un cruel abandon. Sa réaction est compréhensive, sachant que sa mère s'est suicidée et que ç'a été une épreuve très difficile pour lui. Je prendrais d’ailleurs un roman complet centré sur Emmanuel. Son histoire me touche beaucoup. Pour les parents de Rose, c’est notamment très difficile à accepter car perdre son enfant est absolument atroce. Quel parent peut envisager une telle chose?

Par contre, je trouve que Rose en vient trop rapidement à la solution de l'aide médicale à mourir. Je sais que c'est le sujet, mais le livre aurait pu attendre qu'elle soit bien plus mal en point avant qu'elle en vienne à une solution aussi radicale. Mourir ne devrait pas être une option pensée aussi vite, surtout venant d'une fille qui désapprouve foncièrement toute forme de suicide. En effet, au début du roman, on nous montre que Rose critique avec ferveur le suicide car sa tante a mis fin à ses jours et cet acte a eu des répercussions destructrices sur son cousin Emmanuel. Je trouve alors que son changement d’opinion est trop précipité. Oui, elle souffre, mais ça aurait pu être mieux amené. D'autant plus qu'elle arrive encore à vivre malgré sa maladie. Pour en venir à l'aide médicale à mourir, elle devrait souffrir le martyre, ne même plus être capable de faire quoi que ce soit. Or, elle est encore capable de sortir faire la fête. Car oui, le temps d'une soirée, elle prend congé de l’hôpital pour assister à un concert donné par Damien et Emmanuel. Elle finit par partir d'urgence en ambulance ce soir-là mais si elle n'avait pas abusé de ses forces, elle aurait pu passer une soirée agréable sans aucun problème. Une fille qui demande l'aide médicale à mourir ne devrait même pas pouvoir vivre ce genre de soirée. D'autant plus que le fait que Damien et Emmanuel soient des musiciens faisant des petits concerts, ça sort de nulle part dans l’histoire et ça fait un peu grossier. 

Un autre point qui m'a dérangée et la surabondance du mot « toujours ». J'ai une petite fixation sur ce mot et sur le mot « jamais » dû à mes ateliers d'écriture. On m'a conseillé d'éviter de trop les utiliser car il y a souvent moyen de les enlever pour enrichir les phrases. Délivrée en a beaucoup trop, ce qui fait que le mot perd en impact. Surtout quand Rose dit qu'elle sera toujours auprès de ses proches où bien quand elle et Damien se disent qu'ils s’aimeront toujours. La puissance de ces moments est malheureusement diminuée par le fait qu'on voit le mot « toujours » beaucoup trop souvent. 

Je n'ai pas aimé non plus le passage du cours d'éthique en début de livre. Sa professeur lance un débat ; pour ou contre le suicide. C'est dans ce passage qu'on apprend pourquoi Rose réprouve le suicide. L’histoire aurait pu utiliser un autre moyen car aucun professeur ne balancerait nonchalamment un sujet aussi lourd. Un professeur qui veut aborder un sujet comme tel doit préparer ses élèves, les mettre en contexte et les accompagner. Le suicide ne peut pas être pris à la légère au sain d'une classe car il peut y avoir des élèves pour qui ça les touche personnellement. Ce qui est d'ailleurs le cas dans l’histoire ; le sujet touche Rose personnellement et le débat dans son cours d'éthique va justement la chambouler. Un prof ne peut pas agir de manière aussi irresponsable, ce n'est pas logique.

Pour ce qui est des personnages, ils sont très bien réussis. Ils sont attachants, ont chacun leur personnalité propre à eux, avec leurs qualités et leurs défauts, ce qui les rend humains et adorables. Il y a juste Damien que je trouve un peu trop parfait. C’est pour cette raison que personnellement, il est le membre du trio que j’aime le moins. Mais je l’aime tout de même. Bien que je ne sois pas une grande fan des romances, j’ai bien aimé sa relation avec Rose. Ils ont une belle complicité, ils savent s’amuser ensemble, s’entraider et se parler.

Petite mention spéciale pour le personnage de Gabrielle. Elle est la colloque de Rose à l’hôpital, et même si elle n’apparaît pas très longtemps, sa présence amène une belle bouffée de fraîcheur dans l'histoire. La jeune fille a un cancer avancé mais elle ne se laisse pas abattre. Elle garde le cœur à la rigolade et est une bonne vivante.

J'ai bien aimé l'épilogue où c'est Damien qui prend la parole. Ce chapitre montre le après. Le après Rose. On a brièvement accès au point de vue de Damien maintenant que sa douce est décédée. Ça m'a beaucoup touchée. Mais j'en aurais pris un peu plus sur ce après. 

Au final, j'ai bien aimé Délivrée. J'avoue avoir pleuré un bon coup durant un certain passage qui m'a rappelé de durs souvenirs. Malgré quelques petites lacunes, il est un roman très touchant avec des personnages marquants et attachants.


 

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