Sans trace - ÉPILOGUE
Épilogue
Dimanche 26 décembre
Dans la noirceur de sa chambre, Stéphanie et moi sommes couchées dans son lit. Elle me fait dos, elle ne me parle pas, mais je sais qu’elle ne dort pas encore.
Je ne vais pas me le cacher, Noël a été particulièrement difficile cette année. Noël sans mon petit frère, c’était impensable. On s’est réunis chez ma tante Josée comme à chaque année, mais contrairement à d’habitude, l’atmosphère dégageait de la tristesse. Daniel occupait la majorité des conversations. Malgré la douleur que nous ressentons tous, nous avons tout de même passé un beau réveillon. Nous sommes restés à coucher, comme on le fait chaque année. Seulement, pour Stéphanie, ne pas accueillir Daniel dans sa chambre cette nuit-là lui a brisé le cœur. D’habitude à Noël, je dormais seule sur le divan-lit au rez-de-chaussée, mais pour la réconforter, j’ai accepté de passer la nuit dans son lit avec elle, à la place de Dan. On a parlé longtemps.
Moi qui me débrouille habituellement bien à l’école, j’ai eu beaucoup de difficultés ces deux derniers mois. C’est le théâtre qui m’a aidé à finir l’année. Les réunions deux fois par semaine me permettaient de décrocher. On a commencé à fabriquer des accessoires et éléments du décor. Ça m’a permis de penser à autre chose et de me sentir utile.
Maverick n’a pas réussi à poursuivre sa session. Avec un papier du médecin, il a pu l'annuler. Il a pris le temps de se reposer. Il a vu ses amis assez souvent. Ça l'a vraiment aidé. Il sera près à recommencer sa session en janvier.
Mon père est vite retourné au travail. Il dit que ça lui fait du bien. Ma mère, par contre, est encore à la maison. J’admire sa force car malgré le deuil, elle ne s'apitoie pas sur son sort. Elle prend soin d’elle et de sa famille. Puis, comme elle reste à la maison, elle prend le temps de concocter de super recettes. Sincèrement, elle n’a jamais aussi bien cuisiné. Chaque soir, elle est fière de nous faire goûter ce qu’elle a préparé. Je crois bien que la cuisine l’aide à tenir bon. Elle se sent utile et fait quelque chose qu'elle aime. Comme moi avec le théâtre.
On parle de Daniel tous les jours. On le mentionne souvent à travers le quotidien. On dit, par exemple « Daniel ne serait pas content, on écoute une comédie romantique ce soir » . Ou bien « Ah, le film préféré de Daniel joue à la télé ».
Nous n’avons pas touché à sa chambre. Ma psychologue m’a informée que lors d’un deuil, il fallait éviter de se débarrasser trop vite des objets du défunt. Il y a certaines personnes qui, sous le coup de l’émotion, préfèrent se départir tout de suite des effets personnels. Mais la grosse majorité du temps, elles finissent par le regretter. Elle m’a dit que les objets avaient un rôle essentiel dans le processus du deuil. Je suis d’accord avec elle. Dans notre cas, les choses de Daniel, même si elles nous font pleurer, elles nous font du bien en même temps. Maverick et moi nous retrouvons souvent dans sa chambre. On joue avec sa piste de course en nous rappelant de bons souvenirs. Ou des fois, on va seulement s’y réfugier pour parler, pour lire, ou bien étudier. C’est devenu notre petit salon. On sent la présence de Dan partout. Puisque dans sa chambre, rien n’a pas bougé, c’est comme s’il était toujours là. Cette sensation nous apaise. Comme Daniel n’utilisera plus ses vêtements, je mets certains de ces chandails. Je sais qu’il ne m’en voudra pas. Comme son large t-shirt jaune, je l’adore. Il est confortable et il me permet de me rapprocher de lui. Au début, j’avais peur de passer pour une creepy, mais ma psy m’a assurée qu’il n’y avait rien de malsain là-dedans. Si me rapprocher des effets personnels de Daniel permet d’atténuer ma peine, alors il n’y a aucun problème.
Cependant, nous ne sommes pas revenus sur les deux semaines où il a disparu. J’ai la sensation que cette période de notre vie est un énorme trou noir où il est trop dangereux de s’aventurer. Je crois qu’on continue tous de se sentir coupable, mais qu'on ne veut pas se l’avouer. On a des démons à vaincre, et ça ne se fera pas en seulement quelques mois. Beaucoup de travail nous attend pour la reconstruction psychologique. Nous consultons tous.
Je sens que je suis sur le point de m'endormir…
- Liz? me demande faiblement Stéphanie en se tournant vers moi.
Bon, elle m’a réveillée. Mais ce n’est pas grave.
- Oui?
- T’as pas idée à quel point ça me rassure de te savoir près de moi ce soir.
Le débit de sa voix est très faible. Elle chuchote vraiment pas fort, mais j'ai tout saisi ce qu’elle m’a dit. Ça me touche énormément. Je me retourne pour la serrer dans mes bras et je lui réponds :
- Moi aussi Steph.
Elle se blottit contre moi. Après quelque minutes, elle me dit :
- J'ai chaud là.
Je pouffe de rire.
- Okay, on dort.
On s'éloigne l'une de l'autre avant de se souhaiter un dernier bonne nuit.
Je commence à sentir le sommeil venir à moi. La dernière pensée qui vient à mon esprit est le visage de mon petit frère. Il sourit, il s'amuse.
Mon frère me manque énormément. Je ferais n’importe quoi pour le ramener auprès de moi, mais c’est impossible. Je dois apprendre à vivre avec son absence.
Daniel n’est plus là, mais on ne peut pas dire qu’il est parti. Il reste bien présent dans nos souvenirs, dans nos paroles, dans nos rêves, et dans nos cœurs. C’est à ça que je m’accroche.
- Liz? me demande faiblement Stéphanie en se tournant vers moi.
Bon, elle m’a réveillée. Mais ce n’est pas grave.
- Oui?
- T’as pas idée à quel point ça me rassure de te savoir près de moi ce soir.
Le débit de sa voix est très faible. Elle chuchote vraiment pas fort, mais j'ai tout saisi ce qu’elle m’a dit. Ça me touche énormément. Je me retourne pour la serrer dans mes bras et je lui réponds :
- Moi aussi Steph.
Elle se blottit contre moi. Après quelque minutes, elle me dit :
- J'ai chaud là.
Je pouffe de rire.
- Okay, on dort.
On s'éloigne l'une de l'autre avant de se souhaiter un dernier bonne nuit.
Je commence à sentir le sommeil venir à moi. La dernière pensée qui vient à mon esprit est le visage de mon petit frère. Il sourit, il s'amuse.
Mon frère me manque énormément. Je ferais n’importe quoi pour le ramener auprès de moi, mais c’est impossible. Je dois apprendre à vivre avec son absence.
Daniel n’est plus là, mais on ne peut pas dire qu’il est parti. Il reste bien présent dans nos souvenirs, dans nos paroles, dans nos rêves, et dans nos cœurs. C’est à ça que je m’accroche.
Ils s’en sortiront bien; ça prendra du temps; c’est normal. Mais, ce qui est bien, ils en parlent beaucoup ensemble. C’est ce qui manque dans certaines circonstances. Tu me comprends Corinne?
RépondreSupprimerGrand-Maman
SupprimerC’est tellement beau de voir qu’ils parlent de lui autant, sans retenue ni scrupule! Ils font preuve de beaucoup de sagesse. Pour nous, lecteurs, c’est rassurant!!
RépondreSupprimerMerci Corinne pour cette histoire, tragique mais qui finit bien, dans les circonstances.