Ta délivrance, ma souffrance - CHAPITRE 10
10. White Blank Page
Décembre
Nous sommes le 24 décembre au soir. Nous rentrons chez ma grand-mère. Tout le monde est déjà là, la soirée est bien entamée. Ça regorge de joie, l’effervescence est dans l’air. Ma mère est comblée de bonheur de voir son frère, sa sœur et sa mère. En enlevant mon manteau, j’aperçois ma cousine Emma à l’entrée de la cuisine. Elle parle à un de mes oncles. Je réalise que ça fait un bon moment que je l’ai vue. La dernière fois, elle avait les cheveux roses. Maintenant, je vois qu’elle a opté pour un retour au naturel, le brun. Ça lui va tout aussi bien. Elle conserve tout de même son allure rebelle. Son piercing est toujours à son nez. Ça lui donne un certain charme. Elle a un visage de dure à cuire mais des yeux qui abritent un fond de douceur et de bienveillance.
J’adore Noël, voir la famille, les cadeaux, la nourriture à volonté… Mais je n’ai pas vraiment le cœur à la fête cette année. Je ressens comme un vide qui n’est pas là d’habitude. Pourtant, de l’extérieur, rien n'a changé. Tout est pareil. Mais il y a quelque chose d’éteint. Comme si mon âme avait installé une sorte de filtre beige devant mes yeux.
Sortant tout juste de l’entrée, mon frère se jette sur notre cousin Edward qui a exactement le même âge que lui. Dans les fêtes de famille, ces cousins-là sont comme les deux doigts de la main. Je perds donc mon frère dès le début de la soirée.
À mon tour, je me mêle à la famille. Je salue mes oncles, tantes, cousin, cousines. Une sensation chaleureuse m'envahit lorsque je vois ma grand-mère se diriger vers moi.
- Bonjour ma belle. Je suis contente de te voir. Comment vas-tu?
- Très bien merci, et toi?
Je n’ai pas envie de lui donner une réponse sincère pour ne pas miner l’ambiance. Ce n’est pas le temps d’étaler ses soucis, c’est le temps de fêter. Alors, je ravale ma mélancolie et je dégage autant de gaieté que je peux.
- Je vais bien, me répond ma grand-mère. Je suis contente de vous voir tous. Qu’est-ce que tu fais de bon ma petite Sarah?
- Je fais enfin ma dernière année du secondaire.
- C’est génial. En quoi vas- tu aller l’année prochaine?
Je déteste cette question. Est-ce qu’on pourrait me laisser le temps de finir mon secondaire avant de me projeter dans l’avenir? Je ne sais pas ce que je ferai de ma vie.
- Je vais aller en sciences humaines, réponds-je sans montrer mon agacement. Je ne sais pas encore quelle job je veux avoir plus tard mais ça semble être un programme qui me ressemble. Les relations d’aide m’intéressent alors j’ai décidé d’aller en psychologie.
- Intéressant! C’est important de choisir quelque chose qui nous convient. J’ai toujours encouragé mes enfants à faire ce qu’ils veulent dans la vie. Je souhaite la même chose pour mes petits-enfants. Voudrais-tu quelque chose à boire, Sarah?
- Je te prendrais un Clamato si tu en as.
- Parfait, je te fais ça. Suis-moi dans la cuisine.
Nous sommes le 24 décembre au soir. Nous rentrons chez ma grand-mère. Tout le monde est déjà là, la soirée est bien entamée. Ça regorge de joie, l’effervescence est dans l’air. Ma mère est comblée de bonheur de voir son frère, sa sœur et sa mère. En enlevant mon manteau, j’aperçois ma cousine Emma à l’entrée de la cuisine. Elle parle à un de mes oncles. Je réalise que ça fait un bon moment que je l’ai vue. La dernière fois, elle avait les cheveux roses. Maintenant, je vois qu’elle a opté pour un retour au naturel, le brun. Ça lui va tout aussi bien. Elle conserve tout de même son allure rebelle. Son piercing est toujours à son nez. Ça lui donne un certain charme. Elle a un visage de dure à cuire mais des yeux qui abritent un fond de douceur et de bienveillance.
J’adore Noël, voir la famille, les cadeaux, la nourriture à volonté… Mais je n’ai pas vraiment le cœur à la fête cette année. Je ressens comme un vide qui n’est pas là d’habitude. Pourtant, de l’extérieur, rien n'a changé. Tout est pareil. Mais il y a quelque chose d’éteint. Comme si mon âme avait installé une sorte de filtre beige devant mes yeux.
Sortant tout juste de l’entrée, mon frère se jette sur notre cousin Edward qui a exactement le même âge que lui. Dans les fêtes de famille, ces cousins-là sont comme les deux doigts de la main. Je perds donc mon frère dès le début de la soirée.
À mon tour, je me mêle à la famille. Je salue mes oncles, tantes, cousin, cousines. Une sensation chaleureuse m'envahit lorsque je vois ma grand-mère se diriger vers moi.
- Bonjour ma belle. Je suis contente de te voir. Comment vas-tu?
- Très bien merci, et toi?
Je n’ai pas envie de lui donner une réponse sincère pour ne pas miner l’ambiance. Ce n’est pas le temps d’étaler ses soucis, c’est le temps de fêter. Alors, je ravale ma mélancolie et je dégage autant de gaieté que je peux.
- Je vais bien, me répond ma grand-mère. Je suis contente de vous voir tous. Qu’est-ce que tu fais de bon ma petite Sarah?
- Je fais enfin ma dernière année du secondaire.
- C’est génial. En quoi vas- tu aller l’année prochaine?
Je déteste cette question. Est-ce qu’on pourrait me laisser le temps de finir mon secondaire avant de me projeter dans l’avenir? Je ne sais pas ce que je ferai de ma vie.
- Je vais aller en sciences humaines, réponds-je sans montrer mon agacement. Je ne sais pas encore quelle job je veux avoir plus tard mais ça semble être un programme qui me ressemble. Les relations d’aide m’intéressent alors j’ai décidé d’aller en psychologie.
- Intéressant! C’est important de choisir quelque chose qui nous convient. J’ai toujours encouragé mes enfants à faire ce qu’ils veulent dans la vie. Je souhaite la même chose pour mes petits-enfants. Voudrais-tu quelque chose à boire, Sarah?
- Je te prendrais un Clamato si tu en as.
- Parfait, je te fais ça. Suis-moi dans la cuisine.
Après le souper, je me dirige au sous-sol. Son calme et sa pénombre m'apaisent. J’entre dans une petite pièce à ma droite ; une sorte de chambre d’amis qui semble ne pas avoir servi depuis des années. Je m’installe sur le divan-lit et je profite de ce confortable moment de tranquillité.
Mathias, c’est le premier Noël sans toi. Comment penses-tu que tes parents vivent cet instant supposé être festif? Ils doivent mourir de chagrin. Même moi je le vis mal en ce moment alors je ne peux pas m’imaginer eux. Je ne ressens pas ta présence près de moi. Tu es sûrement avec ta famille. C’est compréhensible. Ils ont besoin que tu leur donnes la force de passer à travers ce Noël sans toi. Occupe-toi bien d’eux ce soir.
Quand nous étions petits, en revenant des vacances de Noël, Mathias et moi faisions un rapport complet de nos fêtes familiales respectives. On ne connaissait pas vraiment la famille de l’autre mais c’était tout comme parce qu’on se racontait tout en détails.
- Qu’est-ce que tu fais ici?
Emma me sort de mes souvenirs. Je ne l’ai même pas vu arriver.
- Rien
C’est tout ce que je trouve à répondre.
- T’es drôle toi de rester ici toute seule dans le noir.
Je commence à me sentir agacée. La dernière affaire dont j’avais besoin était que quelqu’un vienne me déranger pour me juger.
- Ben oui, je suis super drôle. Mon but était que tu te tapes sur les cuisses.
- Haha, t’es cute.
Ouais, c’est ça. Je suis cute.
Emma s’approche pour allumer la lampe au bout du divan et s'assoit à côté de moi.
- Alors, comment tu vas tite cousine?
Déjà, ça ne va pas, parce que je sens que tu m’infantilises. Bon okay, je me calme. Je ne vais pas faire ma susceptible avec ma cousine. Je pourrais me permettre d’être authentique avec elle. Je sais qu’elle tient à moi même si on ne se voit pas souvent. Et je dois admettre que je l’aime beaucoup.
- Ça va pas super en fait.
Son visage devient sérieux.
- Comment ça?
Oh la la. Finalement, je ne suis pas si sûre d’avoir envie de lui parler du suicide de Mathias. Techniquement, ça me ferait un bien fou de lui confier, mais je n’ai pas envie d’avoir l’air d’une petite fatigante qui cherche la pitié en s’appropriant un drame qui ne lui appartient pas. D’un autre côté, je ne peux pas simplement lui répondre un truc débile du genre « Laisse faire, c’est rien ». J’aurais l’air encore plus de chercher l’attention.
Je prends mon courage à deux mains et je me lance :
- Tu as entendu parler du gars de seize ans qui s’est suicidé il y a deux mois?
Emma réfléchit un instant.
Mathias, c’est le premier Noël sans toi. Comment penses-tu que tes parents vivent cet instant supposé être festif? Ils doivent mourir de chagrin. Même moi je le vis mal en ce moment alors je ne peux pas m’imaginer eux. Je ne ressens pas ta présence près de moi. Tu es sûrement avec ta famille. C’est compréhensible. Ils ont besoin que tu leur donnes la force de passer à travers ce Noël sans toi. Occupe-toi bien d’eux ce soir.
Quand nous étions petits, en revenant des vacances de Noël, Mathias et moi faisions un rapport complet de nos fêtes familiales respectives. On ne connaissait pas vraiment la famille de l’autre mais c’était tout comme parce qu’on se racontait tout en détails.
- Qu’est-ce que tu fais ici?
Emma me sort de mes souvenirs. Je ne l’ai même pas vu arriver.
- Rien
C’est tout ce que je trouve à répondre.
- T’es drôle toi de rester ici toute seule dans le noir.
Je commence à me sentir agacée. La dernière affaire dont j’avais besoin était que quelqu’un vienne me déranger pour me juger.
- Ben oui, je suis super drôle. Mon but était que tu te tapes sur les cuisses.
- Haha, t’es cute.
Ouais, c’est ça. Je suis cute.
Emma s’approche pour allumer la lampe au bout du divan et s'assoit à côté de moi.
- Alors, comment tu vas tite cousine?
Déjà, ça ne va pas, parce que je sens que tu m’infantilises. Bon okay, je me calme. Je ne vais pas faire ma susceptible avec ma cousine. Je pourrais me permettre d’être authentique avec elle. Je sais qu’elle tient à moi même si on ne se voit pas souvent. Et je dois admettre que je l’aime beaucoup.
- Ça va pas super en fait.
Son visage devient sérieux.
- Comment ça?
Oh la la. Finalement, je ne suis pas si sûre d’avoir envie de lui parler du suicide de Mathias. Techniquement, ça me ferait un bien fou de lui confier, mais je n’ai pas envie d’avoir l’air d’une petite fatigante qui cherche la pitié en s’appropriant un drame qui ne lui appartient pas. D’un autre côté, je ne peux pas simplement lui répondre un truc débile du genre « Laisse faire, c’est rien ». J’aurais l’air encore plus de chercher l’attention.
Je prends mon courage à deux mains et je me lance :
- Tu as entendu parler du gars de seize ans qui s’est suicidé il y a deux mois?
Emma réfléchit un instant.
- Euh… oui oui. Un petit blond? Matis?
- Mathias.
Un petit blond. En effet, un splendide garçon blond au visage angélique. Vision magnifique et douloureuse à la fois.
- Ouais, je l’ai vu passer quelques fois sur Facebook. C’est super triste. Pauvre lui.
- Ouais, c’est vraiment triste. Il était mon meilleur ami au primaire...
- Hein? m’interrompt-elle. Pour vrai?
- Oui. Il y a un temps où on était pas mal proches… et euh… ça me met pas mal à l’envers.
- Ben je comprends, pauvre chou.
Argh! Ne me dis pas « pauvre ». C’est ce que je redoutais. Bon, malgré tout, j’apprécie grandement son empathie. Elle me prend dans ses bras. Sa chaleur me fait du bien.
- Sais-tu pourquoi il a fait ça? me demande-t-elle en se séparant doucement de moi.
Question existentielle.
- Je me le demande constamment. Il n’y a jamais une seule raison qui pousse quelqu’un au suicide.
Je me mets à penser à tout ce que j’ai entendu sur son sujet.
- Mathias.
Un petit blond. En effet, un splendide garçon blond au visage angélique. Vision magnifique et douloureuse à la fois.
- Ouais, je l’ai vu passer quelques fois sur Facebook. C’est super triste. Pauvre lui.
- Ouais, c’est vraiment triste. Il était mon meilleur ami au primaire...
- Hein? m’interrompt-elle. Pour vrai?
- Oui. Il y a un temps où on était pas mal proches… et euh… ça me met pas mal à l’envers.
- Ben je comprends, pauvre chou.
Argh! Ne me dis pas « pauvre ». C’est ce que je redoutais. Bon, malgré tout, j’apprécie grandement son empathie. Elle me prend dans ses bras. Sa chaleur me fait du bien.
- Sais-tu pourquoi il a fait ça? me demande-t-elle en se séparant doucement de moi.
Question existentielle.
- Je me le demande constamment. Il n’y a jamais une seule raison qui pousse quelqu’un au suicide.
Je me mets à penser à tout ce que j’ai entendu sur son sujet.
- Sincèrement, je n’en ai aucune idée, admetté-je. Il était probablement en dépression.
- Il y a de forts risques, en effet. Penses-tu qu’il se faisait intimider? Il y a des écoles où ça peut être vraiment l’enfer.
Cette possibilité ne m’avait pas effleuré l’esprit. J’espère que non parce que si j’apprends qu’un enfoiré l’a poussé au suicide... Je ne ferai rien en fait. Qu’est-ce que je pourrais faire? Je ne pourrais que le maudire en silence jusqu’à ce que cette haine me rende malade.
- Je ne pense pas, finis-je par répondre. Il me semble que si c’était le cas, on en aurait entendu parler.
- Peut-être. Est-ce qu’il y en a de l'intimidation à votre école?
- Personnellement, je n’en ai jamais réellement vécu. Bien sûr, il y a quelques méchancetés ici et là mais ce n’est pas ça qui me dérange.
- Tu n’es pas du genre à te laisser démonter par des répliques de connards, me complimente Emma.
- Si je les connais à peine, je ne vois pas pourquoi j'accorderais de l’importance à ce qu’ils disent, ajouté-je sur le même ton complice.
Ça me fait du bien de parler avec Emma. Notre conversation se poursuit longtemps et elle dérive dans tous les sens. On parle d’intimidation, de suicide, féminisme, drogue, relations amoureuses… Nous abordons un tas de sujets profonds. Nous réfléchissons à propos de questions psychologiques et morales. J’adore discuter avec ma cousine. Je réalise que je ne la connaissais pas beaucoup et à cet instant, je commence à apprendre qui elle est. Elle possède des opinions très intéressantes. Elle a une forte personnalité, j’adore ça.
- Il y a de forts risques, en effet. Penses-tu qu’il se faisait intimider? Il y a des écoles où ça peut être vraiment l’enfer.
Cette possibilité ne m’avait pas effleuré l’esprit. J’espère que non parce que si j’apprends qu’un enfoiré l’a poussé au suicide... Je ne ferai rien en fait. Qu’est-ce que je pourrais faire? Je ne pourrais que le maudire en silence jusqu’à ce que cette haine me rende malade.
- Je ne pense pas, finis-je par répondre. Il me semble que si c’était le cas, on en aurait entendu parler.
- Peut-être. Est-ce qu’il y en a de l'intimidation à votre école?
- Personnellement, je n’en ai jamais réellement vécu. Bien sûr, il y a quelques méchancetés ici et là mais ce n’est pas ça qui me dérange.
- Tu n’es pas du genre à te laisser démonter par des répliques de connards, me complimente Emma.
- Si je les connais à peine, je ne vois pas pourquoi j'accorderais de l’importance à ce qu’ils disent, ajouté-je sur le même ton complice.
Ça me fait du bien de parler avec Emma. Notre conversation se poursuit longtemps et elle dérive dans tous les sens. On parle d’intimidation, de suicide, féminisme, drogue, relations amoureuses… Nous abordons un tas de sujets profonds. Nous réfléchissons à propos de questions psychologiques et morales. J’adore discuter avec ma cousine. Je réalise que je ne la connaissais pas beaucoup et à cet instant, je commence à apprendre qui elle est. Elle possède des opinions très intéressantes. Elle a une forte personnalité, j’adore ça.
Malgré tout, Mathias me pèse sur le cœur en ce moment. J’aimerais davantage parler de lui à Emma, lui partager quelques souvenirs. C’est cocasse car indirectement, Mathias connaissait Emma puisqu’on se parlait en détails de nos fêtes de Noël, et donc, je lui ai souvent parlé d’elle. Cette pensée me fait sourire.
- Tu sais Emma, Mathias et moi, on se racontait tout le temps nos temps des Fêtes alors…
Je m’interromps soudainement en voyant furtivement Edward dans le cadre de porte. On dirait qu’il se cache pour nous écouter parler. Il nous espionne ou quoi?
- Bordel Edward, je t’ai vu.
Il apparaît devant nous, le sourire fendu jusqu’aux oreilles.
- Je voulais vous jouer un tour mais j’ai rien trouvé.
- Tu es un éternel enfant Edward, lui renvoie Emma amusée.
Je confirme.
J’entends à l’instant des rires féminins et des pas qui descendent l’escalier. Mes cousines Audrey et Béatrice passent en courant derrière leur frère. Arrivées dans le salon du fond, elles mettent une chanson d’Ellie Goulding.
Je regarde Edward et lui demande :
- Ça fait combien de temps que tu étais caché là?
- Mmmh… quelques secondes.
- Tu sais Emma, Mathias et moi, on se racontait tout le temps nos temps des Fêtes alors…
Je m’interromps soudainement en voyant furtivement Edward dans le cadre de porte. On dirait qu’il se cache pour nous écouter parler. Il nous espionne ou quoi?
- Bordel Edward, je t’ai vu.
Il apparaît devant nous, le sourire fendu jusqu’aux oreilles.
- Je voulais vous jouer un tour mais j’ai rien trouvé.
- Tu es un éternel enfant Edward, lui renvoie Emma amusée.
Je confirme.
J’entends à l’instant des rires féminins et des pas qui descendent l’escalier. Mes cousines Audrey et Béatrice passent en courant derrière leur frère. Arrivées dans le salon du fond, elles mettent une chanson d’Ellie Goulding.
Je regarde Edward et lui demande :
- Ça fait combien de temps que tu étais caché là?
- Mmmh… quelques secondes.
Sur ce bref échange qui ne mène nulle part, il remonte au rez-de-chaussée.
Comme un coup de vent, Emma se lève du divan pour aller rejoindre les filles. Je la suis, le pas traînant. Mes deux cousines dansent comme de vraies folles sous le regard amusé d’Emma.
Audrey, la plus jeune, je traduirais ses gestes par du n’importe quoi. Cependant, je dois lui accorder qu’elle chante très juste. Béatrice ne chante pas mais exécute une chorégraphie extrême comme si elle l’avait pratiquée depuis des mois, mais il est fort probable qu’elle improvise ses mouvements.
Elle se met soudainement à parler à travers ses gestes aux airs calculés.
- Okay les filles, faites comme moi.
- Oh non! fait Emma. Je ne danserai pas.
- Aller Em! s’écrit la plus jeune entre deux paroles de chansons.
Emma se lance sur Audrey et la prend dans les airs. Elle pousse un cri de joie et rit aux éclats. C’est trop mignon. À douze ans, Audrey est encore assez petite pour être prise dans nos bras.
Je n’ai pas vraiment envie de danser. Je suis légèrement frustrée qu’Edward et les filles aient coupé sec notre conversation à Emma et moi. C’était un instant de paix et de réconfort qui vient de m’être enlevé sans que j’aie été rassasiée.
- Fais comme moi, me crie Béatrice qui exécute ses mouvements méthodiquement.
J’aurais juste envie de lui répondre par une grimace telle un gros bébé frustré mais les filles débordent tellement de joie de vivre que je lui accorde un petit sourire. Mais je rejoins Emma ; hors de question que je danse.
Béatrice est vraiment drôle à regarder. Ses mouvements de… danse, si je peux dire, sont limite agressifs. Elle donne des coups de points dans tous les sens et fait des squats de temps à autre. Tous ses gestes sont hyper sportifs. Je la vois, un jour, devenir ce genre de fille sur Instagram, super musclée, qui fait des vidéos de training.
- Vous êtes intenses les filles, s’exclame Emma qui se régale de les voir se donner à fond.
Elles sont si concentrées dans leur danses qu’aucune ne répond. Audrey seulement lance un regard fier à Emma.
Une fois la chanson terminée, Béatrice regarde sa soeur et lui dit d’un air complice :
- Est-ce qu’on fait notre chorégraphie sur Video Killed The Radio Star?
- Ouiiiii!
L’aînée se dirige vers son iPod pour mettre sa chanson.
- Parce qu’en plus vous avez des chorégraphies déjà établies? leur demandé-je, impressionnée de les voir prendre cette activité avec sérieux.
- Ouais, confirme Audrey entre deux respirations. On s’entraîne ensemble en faisant des mouvements qui mélangent danse et muscu.
La chanson de Buggles retentit dans le sous-sol. Les deux filles se placent une à côté de l’autre et se mettent à exécuter leur chorégraphie. Je suis agréablement surprise de les voir aussi professionnelles. C’est vraiment beau à voir. Leurs gestes sont assez répétitifs alors après les avoir observées une minute, je serais capable de les rejoindre.
- Faites comme nous, nous lance Audrey à l’égard d’Emma et moi, comme si elle lisait dans mes pensées. Vous êtes capables.
Ce qui semble être sur un coup de tête, Emma se place à côté de ses jeunes cousines et tente de les imiter. Je suis maintenant la seule personne du sous-sol à ne pas danser. Je reste plantée là, pendant environ une minute à observer mes cousines danser synchronisées comme si elles sortaient d’une comédie musicale. Je dois admettre qu’elles sont très satisfaisantes à regarder. Ça me fait sourire. Je me surprends à faire du lipsing et à bouger ma jambe sur le rythme de la chanson. Mon entrain grandissant n’a probablement pas passé inaperçue auprès d’Audrey car sans que je m’y attende, elle s’avance vers moi et me tire le bras, m’obligeant à faire comme elle.
- Hey, lâche-moi, lui crie-je dans une tentative complètement ratée d’avoir l’air fâchée.
Je me laisse prendre au jeu sans me battre. Leur enthousiasme est si prenant et contagieux. J’arrive à bouger au même rythme que les filles, sous le son de l’entrainante musique.
La soirée continue sur cette lancée. Avec mes trois cousines, j'ai fini par danser comme une déchaînée. Parfois, nous suivons des chorégraphies tirées d’Audrey et de Béatrice, d’autres fois nous faisons n’importe quoi. Nous avons dansé sur une version remixée de Never Ending Story. Au début, les petites blondes exécutaient leurs mouvements de manière synchronisée mais Emma et moi avons commencé à bouger n’importe comment et à, non pas chanter, mais à crier :
- NEVER ENDING STOOORYYYYY !!!!
Nous étions mortes de rire. Nous chantions ridiculement trop fort. Je me défoulais comme une déchaînée. Nous avions l’air de deux débiles. Béatrice et Audrey nous ont suivies dans notre délire. De vraies folles. Edward et Émile sont descendus un moment pour voir ce que nous faisions. Ils ont ri de nous gentiment et sont retournés en haut. Ça fait du bien de rire à ce point. À un moment, j’avais tellement chaud. J’ai enlevé mon chandail à manches longues ne gardant que mon t-shirt et j’ai relevé mes cheveux en queue de cheval.
Après un je ne sais combien d’heures intenses, nous nous échouons partout dans le salon. Emma et Béatrice se laissent tomber sur le tapis, Audrey et moi, sur le divan. Nous restons un instant silencieuses, sans musique, à reprendre notre souffle.
- Vous êtes vraiment bonnes en danse les filles, finit par lâcher Emma en un souffle, s’adressant à nos jeunes cousines.
- Merci Em, lui répond Audrey toute fière mais essoufflée.
- C’est la meilleure façon de s’entraîner, ajoute Béatrice.
- Okay girls, s’exclame Emma d’une voix forte. C’est à mon tour de mettre une chanson.
Son téléphone dans les mains, elle met une chanson qui sort du haut parleur derrière elle.
- C’est quoi la toune? lui demandé-je sous les doux sons de guitare.
- White Blank Page de Mumford and Sons. C'est ma chanson préférée.
Nous nous mettons à écouter cette musique religieusement, sans dire un mot. À un certain moment de la chanson, je commence à avoir envie de pleurer alors que je ne comprends même pas les paroles. C’est fou ce qu’une simple musique peut avoir comme effet sur nos émotions. Je retiens mes larmes pour ne pas avoir l’air idiote. Je ne sais pas quel est son sujet mais cette chanson est magnifique.
- Ce que j’aime de ce groupe c’est que ce sont de vrais instruments, exprime Emma à la fin de notre écoute.
- C’est vrai que la musique est meilleure quand c’est de vrais instruments, confirmé-je. Comme le rock, le country, le folk, ou les voix qui sont seulement accompagnées par un piano ou une guitare, c’est magnifique.
- D’accord je vois, l’électro c’est de la merde, ironise Audrey faussement vexée.
- T’en fais pas Audrey. C’est complètement subjectif. Chacun ses goûts. La musique que vous avez fait jouer ce soir, c’est pas du tout mon genre. Jamais j’aurais pris l’initiative d’écouter ces chansons mais je les ai trouvées quand même vraiment bonnes. Ça m’a étonné.
Avec une mine fière, Béatrice me répond :
- C’est sûr qu’avec les chorégraphies qui viennent avec ça, il est impossible de ne pas aimer ces chansons.
- C’est le meilleur genre de musique pour danser, renchérit Audrey.
Comme un coup de vent, Emma se lève du divan pour aller rejoindre les filles. Je la suis, le pas traînant. Mes deux cousines dansent comme de vraies folles sous le regard amusé d’Emma.
Audrey, la plus jeune, je traduirais ses gestes par du n’importe quoi. Cependant, je dois lui accorder qu’elle chante très juste. Béatrice ne chante pas mais exécute une chorégraphie extrême comme si elle l’avait pratiquée depuis des mois, mais il est fort probable qu’elle improvise ses mouvements.
Elle se met soudainement à parler à travers ses gestes aux airs calculés.
- Okay les filles, faites comme moi.
- Oh non! fait Emma. Je ne danserai pas.
- Aller Em! s’écrit la plus jeune entre deux paroles de chansons.
Emma se lance sur Audrey et la prend dans les airs. Elle pousse un cri de joie et rit aux éclats. C’est trop mignon. À douze ans, Audrey est encore assez petite pour être prise dans nos bras.
Je n’ai pas vraiment envie de danser. Je suis légèrement frustrée qu’Edward et les filles aient coupé sec notre conversation à Emma et moi. C’était un instant de paix et de réconfort qui vient de m’être enlevé sans que j’aie été rassasiée.
- Fais comme moi, me crie Béatrice qui exécute ses mouvements méthodiquement.
J’aurais juste envie de lui répondre par une grimace telle un gros bébé frustré mais les filles débordent tellement de joie de vivre que je lui accorde un petit sourire. Mais je rejoins Emma ; hors de question que je danse.
Béatrice est vraiment drôle à regarder. Ses mouvements de… danse, si je peux dire, sont limite agressifs. Elle donne des coups de points dans tous les sens et fait des squats de temps à autre. Tous ses gestes sont hyper sportifs. Je la vois, un jour, devenir ce genre de fille sur Instagram, super musclée, qui fait des vidéos de training.
- Vous êtes intenses les filles, s’exclame Emma qui se régale de les voir se donner à fond.
Elles sont si concentrées dans leur danses qu’aucune ne répond. Audrey seulement lance un regard fier à Emma.
Une fois la chanson terminée, Béatrice regarde sa soeur et lui dit d’un air complice :
- Est-ce qu’on fait notre chorégraphie sur Video Killed The Radio Star?
- Ouiiiii!
L’aînée se dirige vers son iPod pour mettre sa chanson.
- Parce qu’en plus vous avez des chorégraphies déjà établies? leur demandé-je, impressionnée de les voir prendre cette activité avec sérieux.
- Ouais, confirme Audrey entre deux respirations. On s’entraîne ensemble en faisant des mouvements qui mélangent danse et muscu.
La chanson de Buggles retentit dans le sous-sol. Les deux filles se placent une à côté de l’autre et se mettent à exécuter leur chorégraphie. Je suis agréablement surprise de les voir aussi professionnelles. C’est vraiment beau à voir. Leurs gestes sont assez répétitifs alors après les avoir observées une minute, je serais capable de les rejoindre.
- Faites comme nous, nous lance Audrey à l’égard d’Emma et moi, comme si elle lisait dans mes pensées. Vous êtes capables.
Ce qui semble être sur un coup de tête, Emma se place à côté de ses jeunes cousines et tente de les imiter. Je suis maintenant la seule personne du sous-sol à ne pas danser. Je reste plantée là, pendant environ une minute à observer mes cousines danser synchronisées comme si elles sortaient d’une comédie musicale. Je dois admettre qu’elles sont très satisfaisantes à regarder. Ça me fait sourire. Je me surprends à faire du lipsing et à bouger ma jambe sur le rythme de la chanson. Mon entrain grandissant n’a probablement pas passé inaperçue auprès d’Audrey car sans que je m’y attende, elle s’avance vers moi et me tire le bras, m’obligeant à faire comme elle.
- Hey, lâche-moi, lui crie-je dans une tentative complètement ratée d’avoir l’air fâchée.
Je me laisse prendre au jeu sans me battre. Leur enthousiasme est si prenant et contagieux. J’arrive à bouger au même rythme que les filles, sous le son de l’entrainante musique.
La soirée continue sur cette lancée. Avec mes trois cousines, j'ai fini par danser comme une déchaînée. Parfois, nous suivons des chorégraphies tirées d’Audrey et de Béatrice, d’autres fois nous faisons n’importe quoi. Nous avons dansé sur une version remixée de Never Ending Story. Au début, les petites blondes exécutaient leurs mouvements de manière synchronisée mais Emma et moi avons commencé à bouger n’importe comment et à, non pas chanter, mais à crier :
- NEVER ENDING STOOORYYYYY !!!!
Nous étions mortes de rire. Nous chantions ridiculement trop fort. Je me défoulais comme une déchaînée. Nous avions l’air de deux débiles. Béatrice et Audrey nous ont suivies dans notre délire. De vraies folles. Edward et Émile sont descendus un moment pour voir ce que nous faisions. Ils ont ri de nous gentiment et sont retournés en haut. Ça fait du bien de rire à ce point. À un moment, j’avais tellement chaud. J’ai enlevé mon chandail à manches longues ne gardant que mon t-shirt et j’ai relevé mes cheveux en queue de cheval.
Après un je ne sais combien d’heures intenses, nous nous échouons partout dans le salon. Emma et Béatrice se laissent tomber sur le tapis, Audrey et moi, sur le divan. Nous restons un instant silencieuses, sans musique, à reprendre notre souffle.
- Vous êtes vraiment bonnes en danse les filles, finit par lâcher Emma en un souffle, s’adressant à nos jeunes cousines.
- Merci Em, lui répond Audrey toute fière mais essoufflée.
- C’est la meilleure façon de s’entraîner, ajoute Béatrice.
- Okay girls, s’exclame Emma d’une voix forte. C’est à mon tour de mettre une chanson.
Son téléphone dans les mains, elle met une chanson qui sort du haut parleur derrière elle.
- C’est quoi la toune? lui demandé-je sous les doux sons de guitare.
- White Blank Page de Mumford and Sons. C'est ma chanson préférée.
Nous nous mettons à écouter cette musique religieusement, sans dire un mot. À un certain moment de la chanson, je commence à avoir envie de pleurer alors que je ne comprends même pas les paroles. C’est fou ce qu’une simple musique peut avoir comme effet sur nos émotions. Je retiens mes larmes pour ne pas avoir l’air idiote. Je ne sais pas quel est son sujet mais cette chanson est magnifique.
- Ce que j’aime de ce groupe c’est que ce sont de vrais instruments, exprime Emma à la fin de notre écoute.
- C’est vrai que la musique est meilleure quand c’est de vrais instruments, confirmé-je. Comme le rock, le country, le folk, ou les voix qui sont seulement accompagnées par un piano ou une guitare, c’est magnifique.
- D’accord je vois, l’électro c’est de la merde, ironise Audrey faussement vexée.
- T’en fais pas Audrey. C’est complètement subjectif. Chacun ses goûts. La musique que vous avez fait jouer ce soir, c’est pas du tout mon genre. Jamais j’aurais pris l’initiative d’écouter ces chansons mais je les ai trouvées quand même vraiment bonnes. Ça m’a étonné.
Avec une mine fière, Béatrice me répond :
- C’est sûr qu’avec les chorégraphies qui viennent avec ça, il est impossible de ne pas aimer ces chansons.
- C’est le meilleur genre de musique pour danser, renchérit Audrey.
Nous passons le reste de la veillée, au sous-sol, toutes les quatre, à discuter de musique. Je découvre que la musique possède une utilité différente pour chaque personne. Pour Audrey, la musique sert à se poser dans une bonne ambiance. Béatrice s’en sert pour bouger, faire du sport. Et Emma vit ses émotions à travers les chansons qu’elle écoute. Elle est une grande romantique même si elle ne projette pas cette image au premier abord. Ça me fait réaliser que la musique a à peu près la même utilité chez moi. Les chansons servent à extérioriser des émotions que je n’arrive pas à exprimer moi-même.
Ma mère débarque au sous-sol.
- Peanut, on s’apprête à partir.
Mon dieu, déjà? Je regarde l’heure ; minuit et quart. Elle a passé vite cette soirée.
Toute la famille se dit au revoir dans l’entrée. Nous sommes tous contents de la fête. Pour certains, ça paraît qu’ils ont hâte d’aller se coucher mais pour la majorité d’entre nous, la fébrilité est encore bouillante.
Une fois le nez dehors, toute cette joie et insouciance qui m’avait envoûtée tout à l’heure avec mes cousines disparaît soudainement. La noirceur de la nuit, le froid de l’hiver, le blanc trop pur de la neige ; à l’exposition subite de ces éléments, un énorme coup de blues me frappe de plein fouet. L’angoisse monte en moi, je ne me sens pas bien, comme si je me noyais au milieu de la mer, sans rien à quoi je pourrais me raccrocher.
Même si je me couche tard ce soir, je dois me lever tôt demain ; mon père vient me chercher pour fêter Noël à Québec. Je serai seule, avec lui et sa famille que je connais à peine, dans une ville qui n’est pas la mienne. Je n’en ai pas envie.
Ma mère débarque au sous-sol.
- Peanut, on s’apprête à partir.
Mon dieu, déjà? Je regarde l’heure ; minuit et quart. Elle a passé vite cette soirée.
Toute la famille se dit au revoir dans l’entrée. Nous sommes tous contents de la fête. Pour certains, ça paraît qu’ils ont hâte d’aller se coucher mais pour la majorité d’entre nous, la fébrilité est encore bouillante.
Une fois le nez dehors, toute cette joie et insouciance qui m’avait envoûtée tout à l’heure avec mes cousines disparaît soudainement. La noirceur de la nuit, le froid de l’hiver, le blanc trop pur de la neige ; à l’exposition subite de ces éléments, un énorme coup de blues me frappe de plein fouet. L’angoisse monte en moi, je ne me sens pas bien, comme si je me noyais au milieu de la mer, sans rien à quoi je pourrais me raccrocher.
Même si je me couche tard ce soir, je dois me lever tôt demain ; mon père vient me chercher pour fêter Noël à Québec. Je serai seule, avec lui et sa famille que je connais à peine, dans une ville qui n’est pas la mienne. Je n’en ai pas envie.
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